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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Moravagine

Un roman central de l'oeuvre de Cendrars

Un roman central de l'oeuvre de Cendrars

Aujourd’hui je vais évoquer Moravagine roman de Blaise Cendrars publié en 1926. C’est la lecture récente d’Amazonia de Patrick Deville, qui cite à plusieurs reprises cette œuvre, qui m’a incité à lire ce texte original et iconoclaste.

Les prolégomènes permettent à l’auteur d’expliquer la genèse de son roman et de se situer par rapport au narrateur. Il utilise un procédé classique consistant à attribuer l’écriture à un autre que lui. Pour sa part, il se serait contenté de mettre à jour ledit roman. Le style et la forme sont un des éléments majeurs de cet ouvrage. Moravagine est le nom du protagoniste. Le narrateur, Raymond, un interne en psychiatrie en stage dans une clinique suisse fait sa connaissance et précise : « j’éprouvai immédiatement une sympathie irrésistible pour ce petit bonhomme singulier et tragique qui se traînait dans sa voix chatoyante comme une chenille dans sa peau. » Voici quelques notes sur sa naissance : « je suis le dernier rejeton de la puissante famille des G…y, le seul descendant authentique du dernier roi de Hongrie. Le 16 août 1866, mon père fut trouvé assassiné dans sa baignoire ; ma mère, prise de convulsions, accoucha avant terme et mourut, et moi, je vins au monde de trois mois en avance sur l’horloge du château qui sonnait justement midi. »Autant dire que Moravagine n’est pas né sous les meilleurs hospices et que cela peut expliquer son parcours de vie violent et chaotique. Dès l’enfance, puis à l’adolescence il fait figure de fou, il est un tueur avéré et pervers. C’est d’ailleurs dans l’hôpital où il est interné que le narrateur fait sa connaissance. Le héros résume en quelques mots  sa vie : « et voici la suite. On m’enferme. J’entre en prison. J’ai dix-huit ans. C’était en 1884. Je suis enfermé dans la forteresse de Presbourg. Dix ans plus tard, on me transfère secrètement à Waldensee, chez les fous. On renonce donc à tout jamais à s’occuper de moi ? Je suis fou. Depuis six ans. » En compagnie du narrateur qui est médecin et voyageur, Moravagine va s’évader de Waldensee, se cacher et parcourir le monde. Bien que fou, aliéné et criminel ce descendant d’une noble famille d’Europe de l’Est fascine le narrateur et le convainc de voyager ensemble. Parmi leurs escales se trouvent la Russie, l’Angleterre et l’Amérique latine. Ils côtoient les participants de la Révolution russe et prennent part à certaines des luttes. Plus tard, ils traversent l’océan et rejoignent l’Amérique. Le narrateur indique qu’: « à bord du Caledonia qui nous emporte de Liverpool à New York, Moravagine et moi ne sortons pas de l’appartement privé que nous occupons ; et quand nous sortons, c’est à l’heure du thé, pour nous mêler aux enfants. Nous avons besoin de continuer cette cure d’innocence inaugurée à Londres au moment de notre débarquement, après cet effroyable voyage à fond de cale, et un séjour de trois semaines en Angleterre n’est pas arrivé à nous défatiguer. » Ils iront plus au sud, en particulier dans la forêt amazonienne où ils rencontrent les Indiens bleus et rapportent les coutumes barbares des Jivaros. Après ces périples à travers le monde, Moravagine rejoint une institution du sud de la France où il est enfermé jusqu’à la fin. Raymond continue à le visiter régulièrement. Il constate, triste : « Moravagine est mort le 17 février 1917, à l’âge de cinquante et un ans. Comme ce n’était pas un jeudi, je n’ai pas pu assister à ses derniers moments, moi, son unique copain dans la vie. Je n’ai pas pu non plus assister à son enterrement qui eut lieu un mercredi. » Ainsi s’achève le roman.

Cette œuvre est une interrogation sur la folie humaine et sur la création. Cendrars soi-même apparaît dans plusieurs épisodes du roman. Il met en scène les affres de la composition littéraire. Les aventures des deux fuyards Raymond et Moravagine sont étonnantes et les rencontres qu’ils effectuent témoignent de la capacité d’adaptation du protagoniste fou. Cet homme perturbé affiche des certitudes comme par exemple que : « l’homme et la femme ne sont pas faits pour s’entendre, s’aimer, se fondre et se confondre. Au contraire, ils se détestent et s’entre-déchirent ; et si, dans cette lutte qui a nom l’amour, la femme passe pour être l’éternelle victime, en réalité c’est l’homme qu’on tue et qu’on retue. » Lui dont la solitude et l’isolement sont caractéristiques de son existence en marge.

Voilà, je vous ai donc parlé de Moravagine de Blaise Cendrars paru aux éditions Grasset collection Les cahiers rouges.

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