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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Les amants de Jésus

Un premier roman mêlant foi et homosexualité

Un premier roman mêlant foi et homosexualité

Aujourd’hui je vais évoquer Les Amants de Jésus le premier roman de Paul Auer. Peu d’informations sont disponibles sur l’auteur à ce jour. Il est donc difficile de dire si le texte est inspiré de faits autobiographiques ou si c’est une pure fiction. Quoi qu’il en soit le romancier semble bien documenté sur les Jésuites.

Le narrateur des Amants de Jésus, Victor, est un homme né en Normandie en 1969. Il raconte ses souvenirs en 2009 depuis le Japon où il est installé ; il se souvient avec distance et humour des principales étapes de sa vie notamment son engagement religieux. Après avoir obtenu le baccalauréat il débute de brillantes études de mathématiques à Rouen sur le campus de Mont-Saint-Aignan. Vers vingt ans il envisage d’entrer dans les ordres, il est appelé pour servir Jésus en qui il croit. Dès lors, il s’éloigne de ses parents et de sa sœur Carolène qu’il reverra peu. Son parcours le conduit vers la Compagnie de Jésus qui compte en son sein de nombreux scientifiques et intellectuels ; c’est une congrégation d’élite, relativement avant-gardiste qui ne suit pas toujours au pied de la lettre la doxa du Vatican. A propos de ce groupe il précise : « ils ne se mariaient pas, faisaient de longues études, étaient capables d’aller partout, sur les terres les plus lointaines et les plus hostiles, sans autre prétention que de s’y planter et de s’y tenir, raides comme des croix. On disait dans ma famille que les polytechniciens formaient le gros de leurs troupes. (…). J’avais la foi et la prière naïves. Mes idées étaient une maison close, c’est-à-dire un bordel, mais le cœur était large et ouvert. (…). Voilà, j’avais la vocation. » Les jésuites vivent entre eux dans des maisons communautaires, Victor part d’abord étudier dans la région de Lyon puis s’installe à Paris. Il est fasciné par l’histoire d’Alexandre Mackendrick, mathématicien de génie mort du sida quelques années avant. Ce personnage de fiction est au cœur de l’intrigue, il pourrait être un double du philosophe Michel Foucault. Erik son compagnon est le fondateur de l’association Z qui aide les malades du sida, il fait penser à Daniel Defert. Il est possible que des clés soient nécessaires pour décrypter les arcanes du roman mais cette histoire introspective peut également s’apprécier sans détenir tous les codes. Avant d’intégrer définitivement la Compagnie les aspirants doivent suivre de longues études et mettre à l’épreuve leur foi. Le protagoniste abandonne les mathématiques et se consacre à la théologie et à la philosophie. Comme ses pairs il doit également donner de son temps pour mener des actions caritatives utiles. Tous ces engagements sont soumis à l’accord des supérieurs. Victor connait la nature de ses désirs intimes tournés vers les garçons, alors, dans ces années 1990 il décide de rejoindre Z. Bien que religieux, mais sans signe ostentatoire, il se rend dans des bars et des saunas pour mener des campagnes de prévention auprès des gays. La proximité de ces beaux garçons l’émoustille, bien que jésuite il reste un homme avec des envies sexuelles. Il ne les vit pas dans le péché et la culpabilité. Les Jésuites apparaissent comme plus ouverts que d’autres congrégations catholiques. Mais Victor s’interroge, comment devenir prêtre dans une église qui refuse et rejette les homos, lorsqu’il découvre certains écrits de la hiérarchie il est meurtri. Ses hésitations et ses doutes sont mal compris par ses coreligionnaires. Sa rectitude risque de le desservir, il a déjà vu des jeunes quitter le chemin de la foi, lui veut servir sans être asservi. Le voyage en Roumanie sur les traces de Càlin qui a renoncé à son ordination est un moment de réflexion et de découverte intime. En filigrane du roman se pose la question de la sexualité dans l’église, et plus précisément celle de l’homosexualité. Force est de constater que malgré le déni de l’institution la réalité existe, nombreux parmi les prétendants à l’ordination ont ces orientations. Le clergé est au courant, mais le silence est la doctrine à appliquer. L’action principale des Amants de Jésus se déroule pendant les pires années de l’épidémie de sida, à la bascule dans le vingt et unième siècle. L’auteur dépeint avec réalisme cette période marquée par la déchéance des malades, la stigmatisation dont ils sont victimes, l’angoisse de l’attente des résultats des tests de dépistage. Quand Victor rencontre Toma, un jeune styliste japonais de passage à Paris, il est sous le charme et épris. La nuit, dans la salle de bain de l’hôtel où il accompagne le jeune homme il comprend la signification des tubes de médicaments. Son désir charnel s’impose à lui, malgré les risques.

Les Amants de Jésus est un roman dans lequel figurent de nombreuses citations et références, le lecteur doit faire la part des choses entre la vérité et les récits apocryphes. Le protagoniste est un homme entier écartelé entre son engagement religieux et ses désirs homosexuels. Longtemps il sublime et ne passe pas à l’acte mais son parcours et ses engagements sociétaux le confrontent au tourment du désir. Il tombe amoureux de jeunes hommes qu’il côtoie au quotidien, ces étrangers venus grossir les rangs de la Compagnie pour pallier le manque de vocations en France. Et puis son histoire avec Toma, tout en tendresse et en non-dit est au cœur de son exil vers l’Extrême-Orient.

Voilà, je vous ai donc parlé des Amants de Jésus de Paul Auer paru aux éditions Cherche Midi.

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A
Bonsoir Marco, je suis très touché par votre lecture si juste, si émouvante pour moi. Vous avez tout compris, à un point qui me donne le vertige. Avec toute ma gratitude, <br /> Paul Auer.
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M
Bonjour<br /> Je vous remercie pour votre commentaire. Au plaisir de vous lire encore ou de vous rencontrer. Cordialement