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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Prélude à son absence

Un premier roman

Un premier roman

Aujourd’hui je vais évoquer Prélude à son absence premier roman de Robin Josserand. Le genre s’apparente à de l’autofiction ; à l’instar de l’auteur, le narrateur est bibliothécaire à Lyon. Le livre est parsemé de référence musicales et littéraires, notamment Jean Genet.

Robin, le narrateur a dirigé une équipe mais cela ne lui convenait pas alors il a choisi de régresser et de devenir un simple agent en charge des archives. Son métier lui permet d’être proche de la littérature et de l’écriture à laquelle il aspire. Il précise : « si je devais réfléchir à ce pour quoi j’ai commencé à écrire, je dirais que la littérature, pour moi, consiste à décrire de beaux jeunes hommes. Des garçons partout, des garçons tout le temps : le projet vain d’un voyeur innocent. » Cet incipit pose d’emblée l’orientation sexuelle et les goûts du trentenaire. Prélude à son absence est la narration tragique d’une relation impossible et d’un amour à sens unique et inabouti. Un jour, dans la rue le narrateur croise un jeune homme errant, mendiant assis par terre ; un SDF sans le sou qui aussitôt le trouble. Sur un regard il est persuadé d’être tombé amoureux, le coup de foudre absolu. Alors qu’il ne connait rien de ce garçon paumé, sale et sans doute drogué il s’en éprend et décide de le recroiser. Il force le destin pour le revoir, il s’adresse à lui, l’invite à boire un café puis propose de l’héberger. Sven est indépendant, caractériel, irascible et viscéralement rebelle. Il comprend que son aîné est homosexuel mais il ne promet rien et ne consent à rien. Il accepte l’argent qui lui est donné, il est une sorte de clochard céleste qui a tapé dans l’œil du bibliothécaire. Il déteste être regardé alors que la pulsion scopique de son hôte est évidente (la nuit il l’admire à demi nu sur le canapé où il est allongé). Entre ces deux hommes se noue un lien étrange, difficile à qualifier. Ni amitié, ni amour, fût-il platonique, c’est une relation néanmoins assez intime. Robin invente des mensonges pour ne pas aller travailler, il est inféodé à Sven dont il devient outrancièrement dépendant. La domination s’inverse, Sven a le pouvoir de partir et de mettre fin aux espoirs de l’autre. Aucun échange charnel ne se produit, Robin se soulage en se branlant beaucoup, souvent, seul. Dans le roman plusieurs passages crus sont presque indécents, sans grand apport à cette histoire sans sexe. Le narrateur est obnubilé par le garçon secret, il écrit : « je pense à son corps, à Sven, à l’odeur désagréable que j’associe à une odeur de sexe sale, à son corps inerte, drogué, sur le canapé, libérant un jet massif, m’en barbouillant le ventre, le cou et le visage. Je me nettoie et me dirige vers le salon où il dort encore. (...). Avec lui, je ne supporterai pas l’échec. Si ce garçon se refuse, cela pourrait mal finir. (...). Allongé, c’est le plus désirable des corps, un corps qui m’est pourtant refusé – c’est, du moins, ce qu’il faut qu’il croie. » Ils partent tous les deux sur l’île de Groix, Robin ne sait pas ce que Sven fuit mais il l’emmène et tel un souffre-douleur acceptant tout il se contente de l’observer et de fantasmer son désir. Par inadvertance Sven laisse entendre qu’il aurait pu accepter de coucher avec son protecteur, il pourrait être son prostitué personnel. Mais il n’en sera rien, et dans le brouillard breton un drame se met en place. L’écrivain constate : « je sais que ce ne fut pas de l’amour, mais ce fut approchant, pas loin, à côté, quelque chose que nous avons inventé ensemble. Je m’interdis la mélancolie, il ne l’aurait pas supportée. »

Prélude à son absence est un roman assez sombre et tragique. La chair y est triste, le plaisir est furtif, l’homosexualité est vécue douloureusement, dans une sorte de fantasme permanent et inaccessible. Ce qui trouble c’est la relative jeunesse de Robin qui ne semble pouvoir qu’acheter quelques bribes de relations, une solitude pathétique car subie.

Voilà, je vous ai donc parlé de Prélude à son absence de Robin Josserand paru aux éditions Mercure de France.

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