Perspective(s)

Nouveau roman épistolaire de Laurent Binet dans l'Italie de la Renaissance

Aujourd’hui je vais évoquer Perspective(s) roman historique et pictural écrit sous forme épistolaire de Laurent Binet. Il est notamment l’auteur de La septième fonction du langage. Dans ce précédent roman il s’intéressait à Roland Barthes ; cette fois-ci il situe son histoire à Florence en 1577 sous le règne du duc Cosimo de Médicis.

Perspective(s) séduit tout d’abord par la forme originale : plus de cent soixante-dix lettres sont échangées entre les protagonistes. Bien entendu ceci évoque Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Le titre du roman de Binet fait allusion à la fois à la technique picturale permettant de rendre les dimensions entre les différents plans d’un tableau et le pluriel souligne la polysémie du mot et fait référence à la vingtaine de scripteurs. Ceci permet l’expression d’une pluralité de points de vue sur les événements rapportés sur une base de faits réels. Le roman est un polar autour de la mort suspecte du peintre Pontormo. Il est retrouvé gisant au pied d’une fresque qu’il réalisait en secret depuis de longues années dans l’église de San Lorenzo selon la commande de son protecteur local. Pour réaliser ce sacerdoce il était accompagné d’autres peintres dont certains étaient ses amants. Le duc veut éviter le scandale lié à la découverte du sujet de la peinture et il enjoint donc à son homme de confiance de trouver qui est l’auteur de ce meurtre. Après dévoilement de la fresque il appert que des retouches semblent l’affecter. Force est de constater que cette œuvre est une sorte de rivale à la Sixtine peinte par son illustre aîné. Michel-Ange natif de Florence exerce à présent dans la capitale sous l’influence du Pape. Les plus talentueux artistes pourraient être impliqués dans le crime sordide. Mais en même temps un portrait infâme de la fille du duc de Florence est retrouvé ce qui heurte son père qui met ses meilleurs limiers sur sa piste pour la détruire. Mais cette toile a disparu mystérieusement. L’enquête se déroule pendant un peu plus d’une année civile avec l’intégration de multiples hypothèses. Il faut sonder discrètement la ville pour tenter de reconstituer les faits et trouver la motivation réelle à cette mort et à ce sacrilège, véritable crime de lèse-majesté. Pendant ce temps, Maria de Médicis complote avec sa tante en France et découvre l’amour avec un page qui n’est pas l’homme auquel elle est promise. En effet la lignée est plus importante que les sentiments. L’intrigue se noue entre Florence, Rome, Pise et la France. La rivalité entre le clan français et la cité toscane est réelle. La plupart des peintres ont des mœurs légères et dissolues, plusieurs sont accusés d’être des sodomites. Le pouvoir, les machinations, la lutte pour l’influence sont au cœur de Perspective(s). Au début le lecteur doit se familiariser avec les différents personnages mais rapidement ce n’est pas un souci et le plaisir de découvrir les complots et l’atmosphère de cette période est très séduisant.

Perspective(s) est un roman brillant et réjouissant. Laurent Binet mêle avec délectation l’enquête policière à la recherche d’un meurtrier inattendu et la description d’une cour où l’art est omniprésent comme la religion qui dicte le permis et l’interdit. L’auteur offre une plongée dans la Renaissance, époque foisonnante et épatante.

Voilà, je vous ai donc parlé de Perspective(s) de Laurent Binet paru aux éditions Grasset.