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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

L'enlèvement

Un formidable récit historique et intime sur les otages français au Liban

Un formidable récit historique et intime sur les otages français au Liban

Aujourd’hui je vais évoquer L’enlèvement récit intime passionnant de Grégoire Kauffmann. Cet historien est notamment l’auteur d’Hôtel de Bretagne. Ces deux ouvrages l’impliquent directement puisqu’à chaque fois il sonde un pan du passé familial. Et cette fois il est directement l’un des protagonistes des faits racontés. Dans les deux cas, sa mère, Joëlle Brunerie Kauffmann n’est que modérément favorable au projet.

L’enlèvement évoque une période sombre avec de de nombreux kidnappings de français, notamment des journalistes, au Liban. Le protagoniste absent (et assez étranger à l’histoire racontée) est Jean-Paul Kauffmann, envoyé spécial de L’événement du jeudiqui est enlevé avec un chercheur, Michel Seurat, sur la route de l’aéroport à la ville. Son fils ainé, Grégoire explique sa façon de procéder ; avec un ami archiviste il se rend dans la maison familiale landaise, trois décennies après les faits et ouvre un coffre qui se révèle un formidable trésor. Il précise : « tirés d’un sommeil trentenaire, les papiers du comité de soutien se révèlent être une corne d’abondance. Censés traduire la vaste mobilisation suscitée par ma mère pour faire libérer Jean-Paul Kauffmann et ses compagnons d’infortune, ils disent bien davantage que cette seule action militante. » L’historien s’appuie sur les journaux, les reportages télévisés, les notes et les souvenirs de ceux qui ont œuvré à la libération des otages. Le 22 mai 1985 (en réalité quelques jours plus tard lorsque la nouvelle du rapt est rendue publique) la vie de Grégoire, de son frère Alexandre et de sa mère est bouleversée. Dans ce récit touchant et précis il relate les trois années d’absence du père. L’enlèvement est un document exceptionnel par ses sources sur la mobilisation déployée à l’origine d’un grand mouvement de solidarité nationale (qui n’est pas exempt de polémiques). Il rapporte les différentes étapes émotionnelles (les espoirs, les fausses nouvelles, le désespoir, la combativité) jusqu’à la libération plusieurs années après le ravissement. Malgré elle Joëlle Kauffmann devient une icône très présente dans les médias pour que jamais les otages ne soient oubliés. L’enlèvement ce sont trois ans d’un cauchemar avec le doute, la peur, l’angoisse. Il est passionnant de relire les faits après quelques années pour raviver la mémoire et se souvenir des débats et des tensions autour de ces événements qui étaient pendant longtemps chaque jour à la une de l’actualité (notamment avec la scansion des noms des retenus au début de chacun des journaux d’Antenne 2). Grégoire Kauffmann raconte aussi les années 1980 et la jeunesse d’un garçon en pleine adolescence, sans père. Incontestablement il admire sa mère et lui voue un grand respect pour son dévouement (la gynécologue a arrêté de travailler pour tout faire pour obtenir la libération de son mari). Et sans concession il parle de lui, de la baisse de ses résultats scolaires, de son désir des filles, de ses émois, de son arrivée au collège Henri IV (précédemment il était inscrit dans un établissement moins prestigieux où régnaient des bandes qui le harcelaient ; il n’hésitait pas à se bagarrer) où il fréquente des fils et filles de. Ces années sont évidemment inoubliables et difficiles. Il évoque ses souvenirs avec pudeur, conscient de l’importance de les confronter aux archives et aux témoignages.

L’enlèvement est un récit personnel et universel. L’auteur a vécu au plus près ces longs mois d’absence, sans nouvelles de son père devenu un pion dans l’imbroglio complexe des différents groupuscules libanais en présence. Il trouve le ton juste entre autobiographie et document historique. Trois niveaux de lecture sont imbriqués : la crise des otages au Liban avec les enjeux politico-diplomatiques, l’histoire personnelle de l’auteur, l’histoire du comité de soutien mené par sa mère et plus largement l’histoire des années quatre-vingt.

Voilà, je vous ai donc parlé de L’enlèvement de Grégoire Kauffmann paru aux éditions Flammarion.

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