Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

L’archipel des ombres

Une pérégrination dans les îles indonésiennes

Une pérégrination dans les îles indonésiennes

Aujourd’hui je vais évoquer L’archipel des ombres récit romancé de Bruno Philip. Ce journaliste est l’ancien correspondant du Monde dans plusieurs pays asiatiques. Le sous-titre est Un voyage en Indonésie. Il s’inspire de ses reportages dans la région, remanie ses papiers et compose une divagation au long cours dans le coin à la recherche de rencontres originales et d’oubli des solitudes et des fantômes.

Le narrateur réalise son périple à la fin des années 2010, avant l’irruption de la pandémie de covid-19. Il expose ainsi son projet d’itinéraire : « je me disais que l’Indonésie tombait à pic : j’étais arrivé dans un archipel à la nature rebelle, violente et déjantée. A l’histoire sanglante teintée d’opprobre. Un pays-continent chaleureux et disparate qui danse sur un volcan et tremble souvent de toute sa terre. Je comptais, depuis Sumatra, voyager vers l’orient de l’archipel, aller d’îles en îles, passer de Java à Bornéo, gagner l’île Célèbes, jeter l’ancre dans les eaux des Moluques lointaines et terminer ma course en mer de Timor. L’Indonésie est un éternel tsunami dont j’apprécie l’intranquillité, le caractère sidérant de son monde en perpétuel déséquilibre. » L’archipel des ombres ce sont treize brefs chapitres comme autant d’instantanés de cette déambulation indonésienne. En début d’ouvrage une carte situe les escales et montre bien l’immensité de ce pays composé de milliers d’îles aux histoires entremêlées. Bruno Philip sort des sentiers battus, il n’offre pas une littérature de voyage classique ni un guide des meilleurs spots touristiques. Il s’intéresse aux populations locales, cherche le contact indigène et n’hésite pas à se promener dans des cloaques et des bas-fonds peu fréquentables. Il suit son inspiration pour composer ses escales successives. A aucun moment l’insécurité n’est un sujet, même s’il évoque les attentats dont a souffert le pays. D’ailleurs ce pays composite multi confessionnel est une mosaïque turbulente avec des métropoles gigantesques (il évoque les embouteillages nombreux sur les routes et dans les villes) et des campagnes riantes. Les volcans peuvent à tout moment entrer en éruption et modifier les paysages. L’auteur est parfois la caricature d’un journaliste solitaire accompagné de verres d’alcool pour oublier la solitude nocturne, la nostalgie ou le chagrin. Sur sa route (c’est-à-dire aussi souvent sur les eaux océaniques) il croise Arthur Rimbaud et Joseph Conrad ; il rend visite au sultan de Ternate et à son rival affadi de Tidore ; il ressuscite Nakamura le soldat japonais d’origine taïwanaise qui sur l’île de Morotai pendant trente ans, isolé dans la jungle (même s’il déconstruit la légende), n’a rien su de la fin de la seconde guerre mondiale. Le lecteur découvre les insulaires de Bornéo et leurs coutumes ainsi que le rapport à la mort et au sacrifice bestial en pays Toraja à Sulawesi. Les descriptions sont fidèles à l’environnement, le lecteur familier de l’Indonésie reconnait l’atmosphère, les odeurs et la topographie (par exemple avec le gunung Api à Banda Neira)

L’archipel des ombres est une formidable introduction à la diversité indonésienne loin du cliché des sourires, des temples et des plages balinaises. C’est une découverte d’îles lointaines et rebelles, parfois insoumises à Jakarta et à la domination de l’islam. Après ce livre le formidable Revolusi de David Van Reybrouck permet d’aller plus loin dans la compréhension de l’Indonésie.

Voilà, je vous ai donc parlé de L’archipel des ombres de Bruno Philip paru aux éditions Équateurs.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article