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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Désirer comme un homme

Un essai sociologique sur masculinité et pornographie

Un essai sociologique sur masculinité et pornographie

Aujourd’hui je vais évoquer Désirer comme un homme essai de Florian Vörös. Le sous-titre est Enquête sur les fantasmes et les masculinités. Ce document sociologique est le résultat d’un travail de thèse étayé par une trentaine d’entretiens qualitatifs réalisés entre 2008 et 2012.

Le propos central de Désirer comme un homme consiste à se demander : « quel rôle joue la pornographie dans la construction de la masculinité ». Afin de lever toute ambiguïté Florian Vörös précise qu’il est gay et lui-même consommateur régulier de pornographie. L’intérêt de son approche est de traiter simultanément l’hétéro et l’homosexualité. La plupart des travaux sociologiques abordent en effet séparément ces catégories de populations alors que l’auteur choisit de rechercher et mettre en exergue des invariants liés au genre. Son enquête se focalise sur un groupe homogène de participants blancs de niveau socio-culturel plutôt élevé. Son échantillon est constitué de trente hommes de 25 à 62 ans (il interroge également 3 femmes). Son propos n’est pas de rassembler des données chiffrées, cependant il appert que parmi la population masculine (quelle que soit son orientation sexuelle) la pratique du visionnage de pornographie est une activité courante la fréquentation élevée des sites spécialisés sur internet (streaming notamment) en témoigne. Cependant les interviewés indiquent qu’ils ne parlent pas de leur consommation du porno avec leur partenaires ou leurs amis, comme si un tabou entourait cette pratique. L’auteur constate que : « la masturbation pornographique reste ainsi une pratique dissimulée au regard des autres, à commencer par celles et ceux avec qui ces hommes cohabitent. » Lors des entretiens le sociologue s’intéresse au type de contenu regardé, aux pratiques masturbatoires induites et aux rapports de domination suscités par ces fantasmes. L’auteur explique : « le visionnage de pornographie me sert de porte d’entrée pour décrire comment la domination masculine se noue dans les fantasmes. » Force est de constater que ces entretiens scrutent l’intimité des participants, il est indispensable de créer un climat de confiance et de garantir l’anonymat afin d’obtenir un matériau sincère. D’après Florian Vörös : « les hommes hétéros se montrent aussi plus récalcitrants que les hommes gays à discuter de ce qu’ils ont appris et compris de la virilité en regardant du porno. » La plupart des interviewés ne se sont jamais interrogés sur leur consommation de porno et ses conséquences. L’auteur familier des théories féministes se demande : « pourquoi les hommes blancs de classe moyenne et supérieure sont-ils si peu enclins à la réflexion critique sur les rapports de domination en jeu dans leurs fantasmes ? » Son enquête apporte quelques éléments qui montrent la construction culturelle des rapports de genre et de domination. Les entretiens permettent d’établir que : « l’acteur porno constitue à la fois un modèle fantasmé de vigueur et d’athlétisme et un contre-modèle de virilité primaire. (…). Les routines masturbatoires enferment d’autant plus les hommes dans des postures viriles qu’ils les considèrent comme naturelles, évidentes et allant de soi. (…). Le porno est un facilitateur du contact sexuel entre hommes. Le plaisir de voir et d’entendre du porno se cumule avec le plaisir dégagé par les autres corps en présence. La pornographie est donc avant tout un spectacle participatif où le public est le protagoniste. » Le porno est un émulateur du désir, un générateur de fantasme, les hommes peuvent regarder sur l’écran ce qu’ils n’oseront jamais faire en vrai. C’est ainsi que des gays vont mater du porno hétéro et réciproquement. L’expression des fantasmes se répercute dans la construction des rapports de domination (vis-à-vis des femmes pour les hétéros ou des arabes pour les gays par exemple) qui gouvernent la société. Florian Vörös propose une analyse intéressante en affirmant que : « le désir gay pour la virilité hétéro est souvent interprété en termes d’aliénation, de haine de soi et d’homophobie intériorisée. En désirant des hommes hétéros, les hommes gays voueraient un culte à des hommes plus virils qu’eux. »

Désirer comme un homme est une enquête passionnante qui interroge en profondeur la masculinité. L’approche du sociologue permet de mettre en lumière des contradictions et révèle bien une forme de domination de la part de l’échantillon homogène d’hommes blancs interrogés.

Voilà, je vous ai donc parlé de Désirer comme un homme de Florian Vörös paru aux éditions La Découverte.

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