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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Comment tout a commencé

Premier roman de Philippe Joanny

Premier roman de Philippe Joanny

Aujourd’hui ma chronique est consacrée au premier roman de Philippe Joanny intitulé Comment tout a commencé. Ce texte d’inspiration autobiographique conte les souvenirs d’un garçon mal dans sa peau. L’action se déroule à Paris, au début des années 1980 ; le personnage principal, Philippe, est un adolescent solitaire et inquiet. Dans ce roman il évoque sa famille, son existence triste et ses interrogations face à la découverte de son orientation sexuelle.

Voici l’incipit du roman : « un mercredi de septembre, à l’heure du déjeuner, la police vient chercher sa mère. Il la voit monter dans le panier à salade. Embarquée pour proxénétisme. La police vient chercher sa mère et son père sera le premier à lui jeter à la figure qu’elle l’a bien cherché. Les filles, chez lui, on ne les appelle pas des putes, son père n’est pourtant pas le dernier à en profiter. Dans un mois le gamin fêtera ses onze ans, il vient d’entrer en sixième. » Celle qui est arrêtée, c’est Annick, la mère de Philippe qui au début du roman est juste désigné comme le gamin tandis que son cadet a un prénom. Elle est la gérante de l’hôtel de Bourgogne situé rue d’Austerlitz dans le quartier de la gare de Lyon. Le narrateur précise que : « l’article 334-1 du code pénal de cette année 1979 le stipule, est en effet considéré comme proxénète tout gérant d’hôtel, de pension ou de maison meublée qui accepte ou tolère qu’une ou plusieurs personnes se livrent à la prostitution à l’intérieur de son établissement. A ce titre, Annick encourt une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans, plus une amende de dix mille à cent vingt mille francs. » Cette interpellation est une alerte, la tenancière parvient à convaincre la police de son innocence et rejoint les pénates familiales auprès de ses deux fils, Philippe et Rémi. Son mari, Gérard est un homme veule, alcoolique et raciste. L’entente du couple est fragile, le mariage a été pour la fille un moyen de quitter son Auvergne natale. Son travail à Paris est une corvée quotidienne qui ne laisse pas de place aux loisirs ou aux congés. Son projet de vendre l’hôtel et d’acheter un appartement en banlieue ne ravit pas Philippe qui, malgré la mésentente de ses parents, ne souhaite pas quitter son quartier, ses habitudes et ses potes. Il constate amer : « l’année 1982 est sur le point de se terminer. Le garçon vient de fêter ses quatorze ans. Sa mère ne parle plus de divorcer. Il sait quelle conclusion en tirer, la vie auprès de ses parents restera inchangée. Dès qu’il sera majeur il se jure de les quitter, ou plutôt de les abandonner. » Le lecteur comprend que, devenu adulte, il met son plan à exécution et s’éloigne de sa famille. La capitale est pour lui la ville de tous les possibles. Philippe sait qu’: « il n’est pas le fils que ses parents voudraient qu’il soit. Le canard boiteux de la famille, c’est lui. Ce constat le fait paniquer. » En effet, il se sent différent des autres, il pressent ses goûts peu orthodoxes. Les cours d’éducation physique au collège sont un supplice pour lui. Son regard se porte sur les garçons et leurs attributs génitaux tandis que les filles ne l’attirent pas. A cette époque, émerge un nouveau mal, appelé d’abord le cancer des homosexuels, puis requalifié en sida. Dans le roman, plusieurs incises témoignent de la connaissance scientifique et médiatique de l’époque. Le sida est un personnage furtif qui ponctue la narration du bouquin, c’est un invité qui s’impose sans avoir été convié. Chaque mois, le nombre de victimes augmente et l’inquiétude croit dans la population. François Mitterrand est président de la République, une des premières mesures emblématiques de son gouvernement sera la dépénalisation de l’homosexualité. Pour Gérard, c’est rebutant, inacceptable et incompréhensible. Il est l’archétype du père de famille macho, il incarne les clichés sur la virilité et la masculinité exacerbées. Cependant : « au fond Gérard n’est pas méchant, il n’est même pas violent. Il lève la main sur ses fils mais ne les frappe jamais. » Philippe est mal à l’aise avec son père, il voudrait qu’il disparaisse mais : « le gamin a beau multiplier les prières, elles ne sont pas exaucées. Son père ne tombe toujours pas dans l’escalier. » La pensée magique n’agit pas, le gamin doit supporter les réflexions et l’hostilité de son père. Il affronte le mépris et l’humiliation.

Plusieurs décennies après les événements évoqués, l’auteur se remémore sans réelle nostalgie son adolescence disparue. L’univers parisien populaire décrit a également été balayé par la gentrification des quartiers. Il se souvient de ses premiers émois sexuels partagés : « Rudy étire son sourire et exagère sa pose, les jambes retenues par le garde-corps il pointe son bassin en avant pour mieux exhiber son slip. Il indique la fenêtre d’un mouvement du menton. (…). Le gamin, qui louche sur le slip, sent ses joues s’enflammer. » D’autres pensées personnelles se mêlent aux opinions abjectes de son paternel : « ces Noirs et ces Arabes que son père aimerait voir brûler en enfer, lui, au contraire, s’abandonnerait volontiers dans leurs bras. » Dans cette ambiance pesante c’est l’explosion des désirs naissants.

Comment tout a commencé est un roman initiatique, le parcours d’un jeune garçon né dans les années 1970 qui se découvre gay au moment de l’apparition du sida et doit affronter le regard de la société et de son père raciste et homophobe. Sans revendication, le texte évoque avec pudeur le parcours de Philippe, le protagoniste.

Voilà, je vous ai donc parlé de Comment tout a commencé de Philippe Joanny paru aux éditions Grasset.

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