Petit manuel du genre à l'usage de toutes les générations

Genre, sexe et discrimination : le manuel pour comprendre et lutter

Aujourd’hui ma chronique est consacrée au Petit manuel du genre à l’usage de toutes les générations de Charlie Galibert. C’est un livre bref et salutaire qui propose un état des lieux sur ce thème parfois polémique. L’actualité récente est convoquée pour étayer l’importance de fournir des clés explicatives aux parents et au grand public sur les causes des discriminations dont sont victimes certain(e)s. Il est ainsi question du mariage pour tous et de l’hystérie qu’il provoque dans les manifestations haineuses des défenseurs de la famille traditionnelle, de l’affaire Weinstein et de ses conséquences sur la libération de la parole des femmes dans les situations de harcèlement ou encore des programmes scolaires relatifs à l’éducation sexuelle.

L’intention de l’auteur est de déconstruire les stéréotypes et les fausses croyances. Il précise les enjeux de son travail : « si le principe d’égalité a été étendu avec des progrès constatables, la persistance de certaines disparités entre les sexes conduit à s’interroger sur certaines impasses : comment sortir de la reproduction des inégalités entre les sexes ? Comment mobiliser la société dans toutes ses constituantes – la famille, l’école, l’entreprise, l’espace associatif, la gouvernance politique – pour neutraliser et supprimer ces situations de discrimination ? Comment amener à la prise de conscience et à la neutralisation des stéréotypes qui polluent les relations femmes-hommes ? » Sous forme d’un manuel didactique avec des conseils pratiques Charlie Galibert prend au sérieux la question des discriminations sexuelles et propose des pistes d’amélioration pour rendre la situation, en particulier vis-à-vis des femmes mais aussi des transgenres ou des gays, moins difficile.

L’ouvrage est organisé en huit chapitres intitulés : Petite histoire du genre ; Genre, pouvoir, violences ; Sexe, sexes, sexualité, sexualités ; La fabrique des sexes ; Le rôle de l’école ; Pornographie ou éducation à la sexualité ; Le monde professionnel et l’insertion et Y-a-t-il une vie après le genre ? Ces titres insistent sur l’organisation et le rôle des grandes institutions sociétales que sont la famille, l’école et le milieu professionnel dans la construction identitaire. Le début du manuel est une mise en exergue de connaissances théoriques qui éclairent certains comportements inégalitaires. Le sexe biologique d’un individu ne détermine pas à lui seul son genre et son rapport aux autres. Les premiers chapitres sont consacrés à la clarification des définitions. Ainsi l’auteur précise les nuances conceptuelles entre sexe, sexualité et genre. Pour citer Simone de Beauvoir « on ne nait pas femme on le devient » sachant que cet adage s’applique également aux hommes. Un des messages forts transmis dans l’ouvrage est l’importance de la construction sociale du genre. Pour ce qui concerne la sexualité l’auteur n’hésite pas à faire un détour historique pour bien montrer le rôle princeps de la culture. Ce qui semble constituer une règle ici aujourd’hui ne valait pas nécessairement hier, ailleurs. Les références anthropologiques sont nombreuses, Charlie Galibert vulgarise sans simplifier les pensées complexes d’auteurs fondamentaux comme Françoise Héritier ou Judith Butler. Les principaux éléments bibliographiques proposés sont des incontournables qu’il est nécessaire de faire connaître, cet ouvrage y contribue avec talent. L’homosexualité masculine est, avec la question des transgenres, ce qui pose le plus de souci en termes d’acceptation dans la société contemporaine. Les détours par les exemples issus d’autres sociétés sont indispensables pour démontrer la construction sociale à l’œuvre. Les textes de Saladin d’Anglure et de Maurice Godelier sur les Inuits et les Baruyas sont formidables pour permettre la décentration et illustrer le rôle de la culture dans l’attribution du genre. La biologie et la génétique ne sont qu’une part des constituants de l’identité sociale, il faut le rappeler.

La valence différentielle des sexes, théorisée par F. Héritier pose comme invariant la domination masculine. Ce constat inégalitaire n’a rien de naturel, c’est au contraire une construction sociale. Les inégalités entre les sexes sont interrogées. Charlie Galibert, s’appuyant notamment sur les travaux de sociologie et de psychologie montre comment tout ceci se met en place dès le plus jeune âge. Les crèches et les écoles contribuent à véhiculer les stéréotypes de genre. Les familles et les parents ne sont pas exempts de responsabilité en la matière. L’exemple des jouets et des vêtements est caractéristique des attendus posés par la société en fonction du sexe de l’individu. Les garçons et les filles ne jouent pas aux mêmes jeux ; ne pas respecter l’attribution de genre constitue une première entorse aux règles tacites. Les études suivies et les métiers choisis par les unes et les autres répondent à la même logique. L’orientation scolaire est indéniablement genrée, les jeunes filles sont inconsciemment découragées de postuler dans certaines filières. Où l’on constate que les rôles sociaux sont dépendants du sexe. Ainsi, bien que réussissant mieux leur parcours scolaire les filles devenues adultes sont victimes en France de fortes inégalités salariales et un plafond de verre sur l’accession aux postes de pouvoir dans les entreprises demeure malgré les avancées législatives récentes. L’auteur est convaincu de l’importance de la diffusion de la connaissance afin de faire évoluer les mentalités et les comportements. Son manuel s’inscrit dans cette dynamique. Le rôle des médias, des réseaux sociaux, l’impact grandissant du libre accès pour les plus jeunes à la pornographie sur internet et aux stéréotypes de genre véhiculés dans ces films sont également étudiés dans l’ouvrage.

Ce Petit manuel du genre à l’usage de toutes les générations est un petit livre très complet, agréable à lire et qui propose des solutions concrètes pour lutter contre les effets dévastateurs de la domination masculine dans notre société. Force est de constater qu’à tous les niveaux les différents acteurs doivent s’impliquer afin de collectivement modifier l’impact des constructions sociales à l’origine des stéréotypes profondément ancrés. Ce manuel donne les bases pour réfléchir à ces questions, prendre conscience de la situation inégalitaire et mener les actions ad hoc pour faire régresser les discriminations de genre.

Voilà, je vous ai donc parlé de Petit manuel du genre à l’usage de toutes les générations de Charlie Galibert paru aux éditions PUG.