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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Un certain Paul Darrigrand

Le nouveau roman de Philippe Besson

Le nouveau roman de Philippe Besson

Aujourd’hui ma chronique est consacrée au nouveau roman de Philippe Besson intitulé Un certain Paul Darrigrand. Pour les lecteurs familiers de son œuvre, cet opus s’inscrit dans la continuité d’Arrête avec tes mensonges. L’auteur cette fois encore ne se cache plus derrière ses personnages, il est le protagoniste du roman. D’ailleurs, il multiplie les allusions à ses premiers romans et décrypte et met en exergue la part de vérité dans ces fictions imaginaires. Ainsi, Son frère est largement évoqué ici, mais c’est en réalité lui le jeune homme malade et il survit à son affection sanguine. Ce roman se situe à la frontière ténue entre fiction intime et égo roman. Il a vingt-deux ans et cette année-là il va frôler la mort et vivre un amour passionnel compliqué mais inoubliable.

Le point de départ de l’écriture de ce roman est anodin. A l’occasion d’un déménagement, Philippe Besson retrouve un photographie dans un carton et il précise : « les deux garçons sur ce cliché ancien, c’est Paul et moi. (…). Aucune date n’est mentionnée au dos de la photo, mais pas besoin : il ne fait aucun doute qu’elle a été prise en 1988, quelques jours avant Noël ». Revoir cet instantané stimule sa mémoire et convoque les souvenirs à la fois joyeux et douloureux des événements des années 1988 et 1989. Besson est originaire de Barbezieux ; après avoir mené des études supérieures à Rouen il est de retour à Bordeaux pour suivre les cours d’un DESS de droit. Il habite seul dans un petit appartement, rue Judaïque, au centre ville. En début d’année universitaire, dans un couloir de la faculté, il bouscule par inadvertance un condisciple et s’en excuse. C’est Paul, dès le premier regard entre les deux jeunes hommes la foudre les frappe. Ainsi débute leur histoire qui refait surface trente ans après.

Peu après l’incident, à la cantine, Paul force le passage et s’assied en face de Philippe. Il s’impose à lui pour son plus grand plaisir. Pourtant, frêle et transparent, l’étudiant est surpris que ce magnifique garçon s’intéresse à lui. Ce n’est pas son premier amour, ce rôle est dévolu à Thomas Andrieu. Quelques semaines après leur rencontre, Philippe propose à Paul et plusieurs amis un séjour à Ars en Ré où il a l’habitude de passer ses vacances d’été. C’est là que la photo a été prise, sur l’île, dans la maison de location où les deux garçons s’uniront charnellement. Philippe est sous le charme et le magnétisme de son amant. En Normandie, il a vu mourir du sida un jeune amant, lui est épargné par ce mal qui décime les homosexuels. Paul et Philippe échangent peu de mots sur leur relation, mais Philippe a conscience de la complexité de la situation puisque Paul a une copine, Isabelle, avec laquelle il semble prêt à se marier et à avoir des enfants. Philippe rencontre la jeune infirmière sympathique et prévenante. La passion débordante et cachée est source de satisfactions et de plaisirs.

A l’occasion d’un banal check-up suggéré par sa mère, les analyses sanguines de Philippe se révèlent catastrophiques, son taux de plaquettes est anormalement bas. C’est le début de la l’investigation médicale pour découvrir le mal dont il souffre ; il est hospitalisé. Les transfusions, la cortisone ne donnent pas de résultat pérenne, les plaquettes s’effondrent toujours drastiquement. Philippe dissimule à ses amis son état vacillant, mais Paul reste présent tout en étant distant. Un agent soignant répond au téléphone et tend le combiné à Philippe Besson en lui indiquant qu’il s’agit au bout du fil d’Un certain Paul Darrigrand. Philippe est totalement sous l’influence de son amant qui bientôt lui annonce partir pour un stage en région parisienne. Il n’ose pas lui demander de rester à ses côtés. Ceci décide peut-être de leur avenir. Entre eux les non-dits sont légion. Plusieurs décennies plus tard, l’écrivain analyse et tente d’expliquer son comportement et sa domination par Paul Darrigrand qui est insaisissable, évanescent, fuyant. Sa relation amoureuse masculine est secrète, il semble ne pas totalement l’assumer malgré de tendres moments et quelques confessions explicites. Il exprime peu ses sentiments, n’affiche aucun romantisme. Pourtant, force est de croire en son réel attachement et son amour sincère pour Philippe. Cependant, après avoir avoué à sa compagne sa liaison il met fin définitivement à la relation. L’écrivain en reconstruisant l’histoire édulcore peut-être ou ne parvient pas à être totalement lucide. Il n’est pas nostalgique, n’affiche aucun regret mais assume pleinement ses sentiments passés. A la fin de roman, il dresse un bilan clinique : « certes, je m’étais épris d’un homme inaccessible et j’avais flirté dangereusement avec la mort. Mais je pouvais dire aussi que j’avais été amoureux et que j’étais encore en vie. »

Ce nouveau roman de Philippe Besson est un long flash-back sur l’année 1989, riche en émotions et souffrances. En se remémorant sa maladie et son amour impossible l’écrivain rend l’atmosphère de l’époque, en particulier les préoccupations vis-à-vis du sida pour ceux de sa génération. Son écriture acérée est percutante et sa prose facile d’accès est touchante. Besson multiplie les interpellations à l’égard du lecteur, les digressions et renvois historiques en abusant un peu de longues parenthèses qui heurtent son récit. La première partie est lumineuse, c’est l’amour débordant et triomphant, le contrepoint en seconde partie consiste en l’incertitude inquiétante sur sa santé et l’inéluctable déliquescence de la relation amoureuse.

Voilà, je vous ai donc parlé d’Un certain Paul Darrigrand de Philippe Besson paru aux éditions Julliard.

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