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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Lykaia

Roman BDSM de DOA

Roman BDSM de DOA

Aujourd’hui ma chronique est consacrée au polar sanglant de DOA intitulé Lykaia. La couverture du bouquin est sobre, gris anthracite avec en noir brillant le nom de l’auteur en lettres immenses. Il est connu notamment pour Citoyens clandestins et le cycle Pukhtu romans noirs qui pénétraient les milieux du renseignement et se déroulaient sur des terrains de guerre contemporains. Son nouvel opus invite le lecteur dans un autre monde. L’avertissement en début d’ouvrage précise : « le sigle BDSM, Bondage & discipline – domination & soumission – sadomasochisme, recouvre différentes réalités, une pluralité de pratiques et de nombreuses façons de vivre ces pratiques. Ce livre, un roman noir et sadien, fictionnel et outrancier par nature, n’a pas la prétention de dresser un tableau objectif ou exhaustif de ces univers fantasmatiques. » Dans le texte l’auteur n’apporte pas de précision sur le titre qui fait allusion à des pratiques rituelles et sacrificielles qui se déroulaient dans la Grèce Antique. Bienvenue dans les milieux interlopes de quelques villes européennes où les protagonistes vont vivre une histoire d’amour singulière.

Le roman se déroule aujourd’hui entre Berlin, Paris, Luxembourg, Prague et Venise. Le narrateur, le Loup, se prénomme en réalité Constantin il a une quarantaine d’années. Son surnom évoque à la fois le masque qu’il porte en permanence et l’animal sauvage qu’il est devenu. Sa vie a basculé lors d’une séance SM avec son ex compagne Sofia. Une bougie s’est renversée, a enflammé un tapis puis le feu a brûlé le protagoniste abandonné par sa femme partie protéger Léonie leur fille. De cet accident domestique le Loup a gardé d’indélébiles séquelles, des traces visibles, il est défiguré et ne se déplace plus sans son masque qui cache son visage détruit comme tout le haut de son corps. C’était un chirurgien esthétique en vogue qui ne peut plus exercer sa profession puisqu’il est incapable de se présenter face à sa clientèle.

Pourtant, il continue à opérer illégalement, dans des conditions particulières lors de soirées privées à accès réservé. A Berlin, dans un club underground, le Bunk’r, il va se livrer sur Markus, artiste marginal, à une opération où la médecine frôle l’art dans un façonnement corporel inédit. Cette scène, comme plusieurs dans le roman est absolument insoutenable, même si ce n’est pas la pire. En effet, les évocations successives représentent un crescendo inexorable du gore et de l’insupportable. Le Loup est le maitre, le dominant qui détient le pouvoir. Mais les rôles sont interchangeables et il sera bientôt un extrême soumis au plaisir de La Fille. Cette créature dont il croise le regard fortuitement il va la rechercher intensément, d’abord sur le net puis IRL. Avec elle, il ira au bout de l’expérience ultime. A bord d’une voiture, en amoureux ils traversent l’Europe de l’est pour rejoindre un appartement vénitien. Dans la cité des doges de nouvelles aventures SM les attendent.

Le roman est plein de larmes, de sang, de bave, de sueur et de sperme. Tous ces liquides se mélangent et témoignent du plaisir, de la jouissance et de la souffrance. Eros et Thanatos sont ensemble, deux facettes d’un Janus solaire et lunaire. Les scènes d’opérations chirurgicales et de sexe sont décrites avec un sens du détail et du réalisme qui confère à un naturalisme épouvantable. Voici un extrait exemplaire d’une partie de plaisir entre le Loup et sa dulcinée : « la Fille commence à peindre mon pénis en rouge. Je redeviens instantanément dur. Elle comprime mon sexe, le branle. C’est bon et douloureux à la fois, quand elle bouge, sauvage, et tire sur la peau. (…). Après quelques secondes, la Fille appuie sur la peau très fine de ma queue, et le sang, mon sang, coule aussitôt. (…). Ça ne fait pas mal. (…). Elle pouffe, se débarrasse du bistouri, recommence à me masturber avec ses doigts, sa bouche, sa gorge, me finit. » Sous l’effet de médicaments et de drogues, les participants aux parties fines et aux opérations chirurgicales résistent et refusent de stopper, ne prononcent jamais le mot magique qui permettrait de tout arrêter. Repousser toujours les limites, accepter la douleur et en faire la source du plaisir et de la satisfaction. Dans l’univers BDSM, la confiance est essentielle, le respect de l’accord tacite est ce qui prévient tout débordement. Dès que la règle est méprisée le pire peut advenir.

Lykaia constitue une plongée hallucinante dans le milieu BDSM avec des personnages qui vont au bout de leur délire, pour eux douleur et plaisir sont nécessairement associés. La lecture du roman est éprouvante, difficile, insoutenable, glauque. Cette fiction a une vertu documentaire, DOA allie avec talent son intrigue autour de cette histoire d’amour passionnelle à mort et la réalité d’un milieu discret et peu connu. A mon sens cette immersion en BDSM ne crée aucun plaisir, plutôt un indicible malaise, une douleur, une répulsion et une souffrance permanente.

Voilà, je vous ai donc parlé de Lykaia de DOA paru aux éditions Gallimard.

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