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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

La terre des morts

Le nouveau polar de Jean-Christophe Grangé

Le nouveau polar de Jean-Christophe Grangé

Aujourd’hui ma chronique est consacrée à La terre des morts le nouveau excellent polar de Jean-Christophe Grangé. L’auteur de Lontano et Des rivières pourpres est un expert du genre, il sait créer une atmosphère prenante et tisser une intrigue addictive. Avec cet opus situé en région parisienne il descend dans les arcanes glauques et vicieuses du milieu de la pornographie, de l’art et du sadomasochisme, il explore les bas-fonds de la sexualité sous toutes ses formes.

Le protagoniste, le commandant Corso, est chef de groupe au 36 quai des Orfèvres à la brigade criminelle. Avec son équipe il est chargé d’une enquête commencée par un collègue sur un crime atroce. La pression médiatique est forte, la commissaire souhaite des résultats rapides, son protégé va donc s’y coller. Voici le résumé des faits au moment où Corso hérite de l’enquête : « douze jours auparavant, le vendredi 17 juin 2016, le cadavre d’une artiste du Squonk, Sophie Sereys, alias Nina Vice, 32 ans, avait été retrouvée aux abords de la déchetterie de la Poterne des Peupliers, près de la place d’Italie. Nue et ligotée avec ses sous-vêtements. » Le Squonk est un cabaret dans lequel des strip-teaseuses se livrent aux regards pervers d’hommes en manque de chair. La victime y bossait et s’effeuillait chaque soir avec ses acolytes. Elle a été lacérée, son visage tailladé et défiguré et son corps était attaché par sa petite culotte et des cordes enlacées l’entouraient. Cependant, le légiste est formel aucun viol n’a été commis. Les indices sont maigres, les policiers tentent de reconstituer son passé, ses goûts et ses fréquentations. L’équipe se démène et multiplie les interrogatoires, explore différentes hypothèses. Le manager du Squonk dont le passé est peu reluisant pourrait être un suspect idéal malgré ses dénégations. Et puis, un second cadavre est retrouvé, une autre fille qui officie dans la même boite. La mise en scène est identique, les mêmes outrages sont commis sur son visage et des nœuds identiques ficèlent son corps meurtri. Le travail des flics recommence à zéro.

Corso est sur les nerfs, c’est un flic à l’ancienne, parfois border line. C’est un homme attachant et abîmé par la vie, cet ex voyou est devenu policier par la grâce de celle qui l’a sauvé dans sa jeunesse, la commissaire. Sa vie de couple est un naufrage, il est en instance de divorce, sa femme bulgare est masochiste et malgré son intégration sociale parfaite elle a des délires sexuels étranges et effrayants. Corso veut absolument obtenir la garde de Thadée son fils, mais son avocate le prévient que ses chances sont minimes. D’autant plus qu’il refuse, pour protéger le gamin, de révéler les penchants pervers de sa femme. Pour se défouler, Corso s’invite à une descente dans la cité où il a grandi avec une brigade d’un autre service. Un peu d’action violente, sorte de parenthèse dans son enquête sur les meurtres des strip-teaseuses assassinées. A son retour chez lui, il ne peut que constater : « deux morts la veille, la corrida avec l’Indien aujourd’hui. La violence était comme une mauvaise grippe dont il n’arrivait pas à se débarrasser. » La seconde victime du tueur permet à la police de se focaliser sur un nouveau suspect. Il s’agit de Philippe Sobieski qui après avoir passé de nombreuses années en prison pour meurtre et viol est devenu un peintre célèbre. Une rédemption saluée par le monde de la culture, mais les flics ne croient pas en sa reconversion. Il est le coupable parfait, les mises en scènes macabres rappellent un tableau de Francisco Goya récemment exhumé dont Sobieski semble épris. Les filatures commencent, Corso le suit discrètement en Espagne puis plus tard en Angleterre. Force est de constater que : « contrairement à ce qu’on raconte, les flics n’oublient jamais rien, leurs souvenirs constituent même leur principal matériau de travail – un flic opère toujours mentalement une synthèse entre le passé et le présent, croise en permanence les données d’une nouvelle affaire avec celles des anciennes. » La conviction de Corso s’étoffe, le peintre séducteur de jeunes filles est le tueur. Aucun doute n’est permis. Mais les preuves ou les aveux manquent.

Un nouveau crime atroce est commis dans le nord de l’Angleterre, Sobieski est sur place, tout l’accable. Cette fois la victime est un prostitué jeté au fond de l’eau, son corps est l’objet d’une mise en scène macabre. Pourtant, il reste des zones d’ombres pour comprendre les motivations et les mobiles du tueur présumé. Le procès sera l’occasion d’éclairer la situation. Sobieski est défendu par une ravissante avocate dont le charme ne laisse pas Corso indifférent. Le présumé coupable a de solides alibis, plusieurs amantes témoignent en sa faveur, au moment des faits il était en galante compagnie. Il sera néanmoins lourdement condamné. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire, à ce stade des énigmes restent irrésolues. D’autant qu’une nouvelle victime est retrouvée morte, l’avocate de Sobieski dans une nouvelle mise en scène morbide. Le condamné est retrouvé pendu à l’infirmerie de la prison. Corso doit encore faire jaillir la vérité inattendue, insupportable de machiavélisme pour élucider cette enquête aux innombrables méandres.

Le roman de Grangé est addictif, sa mécanique est implacable, les rebondissements se succèdent à un rythme effréné. Cette plongée bien documentée dans le milieu du porno SM, du bondage, de la technique japonaise du shibari est hallucinante. Ce monde de sexe, de perversion, de sperme et de sang met mal à l’aise et stimule les pulsions les plus fantasmées et primaires du lecteur. Le dénouement final dans les allées du cimetière de Thiais près du carré des indigents met fin au suspens. L’auteur est fasciné par le mal et par la douleur des liens filiaux abîmés. C’est un thriller glauque et malsain à souhait, qui dérange et fascine.

Voilà, je vous ai donc parlé de La terre des morts de Jean-Christophe Grangé paru aux éditions Albin Michel.

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