Une comédie à la française

Un roman satirique de Jean-François Roseau

Aujourd’hui ma chronique est consacrée à Une comédie à la française de Jean-François Roseau. Après La chute d’Icare sa formidable biographie romancée d’Albert Preziosi, l’auteur propose un tableau sarcastique de la France politique contemporaine. Ce roman est une parodie, une farce située dans les coulisses de l’élection présidentielle de mai 2017. Tous les protagonistes apparaissent sous des noms d’emprunt faciles à identifier. Ainsi Rosa Chagrin est Marine Le Pen tandis que son adversaire principal Samuel Moncran est le double d’Emmanuel Macron. Tous les personnages de cette fiction sont inspirés de personnalités réelles. Les pseudonymes contribuent à l’humour du texte et à la dérision de cette sotie réaliste et affligeante.

Raphaël Dorval est un jeune homme ambitieux qui a réussi sa vie professionnelle dans le milieu de la haute finance en travaillant au service d’une banque d’affaires américaine. Son quotidien est morose, rythmé par son boulot et ses objectifs chiffrés à atteindre. Il vit seul, il n’a pas vraiment le temps de nouer une relation intime et sentimentale. Alors, une fois chez lui : « sa main cramponnée à son sexe, tendu, (il) commit quelques saccades, convulsives et rageuses, pour accomplir l’hygiène immémoriale de nos pères. Un spasme fruste, primaire. L’exercice était fait. Bonne nuit, homme seul. Ton sommeil sera lourd comme celui du pauvre engourdi par le froid et le vin. Raphaël s’assoupit aussitôt. Il s’endormait toujours plus facilement après ces dégorgements mécaniques. » Lassé de ce monde superficiel, il démissionne et décide de vivre plutôt que de travailler. Il veut s’investir, être utile à la société. Pourquoi ne pas faire le choix de la politique et l’engagement pour des idées ? Son histoire familiale le pousse plutôt à gauche. Il pourrait également devenir écrivain à l’instar d’une de ses connaissances. C’est d’ailleurs à ses côtés qu’il va élaborer un projet épatant  et farfelu : ruiner les velléités de l’extrême droite conquérante après avoir accédé aux instances dirigeantes du mouvement. Raphaël veut nuire à ce parti aux valeurs nauséabondes, pour cela, faisant fi de toute morale il est prêt à endosser le costume du parfait militant dévoué à une cause qu’il déteste pourtant. Il relève donc le défi et décide d’infiltrer les rangs du PN raciste et de le faire vaciller ce parti raciste. Voilà son ambition : « Raphaël voulait voir, entendre, toucher surtout, comme l’incrédule, la chair de cette réalité qu’il n’avait effleurée qu’au travers des écrans, les extrêmes droites françaises, fouillis indémêlable, où l’on trouvait toute sorte d’énergumènes : des fous et des génies, des oisifs, des déçus, des blessés, des solitaires, des cocus, des déclassés, des trahis, des humiliés accrochés à cette roche abrupte de la colère où certains croient pouvoir se raccrocher comme au dernier rivage. » Force est de constater qu’une fascination troublante et malsaine le pousse à agir.

Il rentre donc à Nîmes chez sa mère, renoue avec ses amis d’enfance, notamment le barman qui est à la tête du rassemblement des jeunes du PN du département, oublie provisoirement Paris pour la province méridionale. Son opération pour pénétrer les arcanes du PN avance au mieux, le temps presse car les élections approchent. Il est à noter qu’ « un homme, Samuel Moncran, venu d’un ministère où il avait brillé par sa jeunesse et l’éclat de sa volonté, venait d’annoncer sa candidature avec un sérieux qui défiait tous les quolibets. » L’analyse des enquêtes d’opinion montre que ce nouveau venu pourrait bousculer la carte électorale établie et faire chavirer les fondamentaux politiques. Les militants du RN sont persuadés des méthodes à mettre en œuvre  pour gouverner le pays. Ils affirment que : « Rosa, elle, ne nous trompera pas. Fermez les frontières, et la France retrouvera sa souveraineté. Cessez l’immigration, et elle retrouvera sa sécurité. Priorisons les salariés français, et le chômage baissera. Limitons strictement aux Français l’accès à l’hôpital public et, je vous le garantis, les dépenses chuteront dans la foulée. » Ces arguments simplistes sont ceux que Raphaël doit porter et étayer dans le but d’obtenir un maximum de suffrages aux élections. Il gravit les échelons au prix de quelques bassesses comme la transmission à la presse de données compromettantes pour le sénateur dont il est devenu l’assistant parlementaire. Le scandale est inévitable, le parti ne peut soutenir ces malversations, le sénateur est lâché tandis que son collaborateur progresse encore dans son opération d’infiltration. Il devient un conseiller de l’ombre qui diffuse des notes économiques à l’intention de la candidate qu’il a réussi à rencontrer. Malgré son accès à la qualification pour le second tour de l’élection suprême la suite est un désastre. En effet : « l’entre-deux-tours fit étrangement penser aux brumes des limbes, grises et confuses, mouillées d’angoisse, ouvrant sur l’une de ces deux portes qui accueillent les défunts. (…). Les athées, qui formaient la majorité, furent sommés de choisir entre Dieu et le Diable, sans qu’ils sussent bien toujours qui de Moncran ou de Rosa désignait la Bête ou le Père. » Dorval a-t-il réussi sa mission ou s’est-il vautré dans la fange de ce parti nauséabond dont il serait la taupe ? Quoi qu’il en soit il a contribué à cette comédie du pouvoir où tous les coups sont permis.

Une comédie à la française est un roman satirique sur l’imposture et l’aspiration au pouvoir. L’auteur a un indéniable talent pour la parodie et sa finesse de trait dans les portraits psychologiques de ses protagonistes caricaturés est notable. La morale de cette histoire n’est guère réconfortante cependant.

Voilà, je vous ai donc parlé d’Une comédie à la française de Jean-François Roseau paru aux éditions De Fallois.

La chute d'Icare - Culture tout azimut

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Chronique sur son précédent roman