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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

La chute d'Icare

Roman biographique autour d'Albert Preziosi

Roman biographique autour d'Albert Preziosi

Aujourd’hui ma chronique est consacrée à La chute d’Icare de Jean-François Roseau. C’est un formidable roman d’aventure inspiré de faits historiques réels. Le protagoniste Albert Preziosi est un jeune corse à la vie extraordinaire et au destin hors du commun. Le texte est une biographie romancée qui retrace les principales étapes de la vie de cet aviateur mort au combat sur le front russe à moins de trente ans.

Le narrateur dès le début évoque une légende transmise par sa famille et il dit : « je pense à une histoire que mon grand-père me racontait de façon presque anecdotique. Une histoire dont ma mémoire exhume à présent le souvenir. Kadhafi, le souverain de Libye. Il se disait bien des choses sur son compte. Sur ses origines floues. Et mon grand-père, un Corse exubérant, avait comme bien des Corses le sentiment inébranlable que le destin du monde était lié à son île. Il y a bien sûr Napoléon. Mais ce n’est pas assez. Si l’on se fie à des légendes tenaces, et parfois avérées, les contributions au patrimoine mondial excèdent de loin les conquêtes ambitieuses du Petit Caporal. Pour le meilleur et pour le pire. (…). Et Kadhafi… Oui, Kadhafi. C’est un mythe villageois, une rumeur politique, un mensonge ou une rodomontade de soldat enivré. Mais qu’importe, après tout, la vérité des fables ! » Le mythe en question prétend que celui qui deviendra le colonel dictateur est en réalité le fils adultère d’une paysanne libyenne et d’un soldat français tombé du ciel. Ce serait Albert Preziosi qui suite à une éjection de son avion partant en vrille amortit sa chute avec son parachute et est recueilli par une tribu qui l’aide à retrouver des forces durant sa convalescence. Avec la complicité de la matriarche, Albert aurait aimé et fécondé en l’absence du mari, Aïcha, la mère de Kadhafi.

Ce mystère ne sera pas percé, l’ouvrage s’attache à un héros bien plus sympathique que le tyran sanguinaire, le fougueux Albert. Il est né en 1915 à Vezzani. Enfant, il grandit en Corse dans une famille assez pauvre, son père est gendarme. Brillant élève, il contracte tôt un rêve qui ne le quittera plus : voler, tutoyer les nuages. Son héros est Guynemer, il aspire à une carrière identique et souhaite devenir soldat pour obtenir le droit de voler sur les avions les plus rapides. Après sa scolarité insulaire il part sur le continent pour étudier et caresser son rêve. Il est à Marseille au lycée, avant d’entamer des études scientifiques. Il intégrera la première promotion de l’Ecole de l’Air. Ses premiers vols sont à la hauteur de ses espoirs. Avec ses amis, il apprend la maniabilité des machines volantes, il est discipliné et accepte les sacrifices demandés. Cependant, il est également un coureur et avec ses acolytes il drague les jeunes filles. Alors que les meilleurs auspices veillent sur lui, il part au volant d’un bolide prêté par son ami pour rejoindre une conquête, mais il a un accident très grave, ses cervicales sont atteintes. Voilà ce qu’en retient le narrateur : « en juillet 1936, quelques jours avant son vingt et unième anniversaire, Albert vit voler en éclats ses espérances d’enfant. En quelques minutes brèves, quelques secondes vibrantes, Albert vit s’écraser contre une paroi de pierre l’avenir qu’il avait préparé avec une discipline irréprochable, franchissant une à une, en élève opiniâtre, les étapes qui devaient l’y conduire sans encombre. Un temps infime ; une durée dérisoire qui lui coûtait son rêve en lui laissant la vie. Il aimait la vitesse, ce démon vaniteux. Et son orgueil trop vif se brisa contre un mur à cent cinquante kilomètres / heure ». Malgré sa ténacité et sa volonté, sa laborieuse récupération physique est douloureuse et l’armée ne veut plus de lui comme pilote. Cette décision est inacceptable pour lui, il ne s’imagine pas en gratte-papier. Cependant il n’a pas d’alternative et doit accepter sa situation. Avec quelques amicales complicités Albert vole en douce, sans autorisation. Mais les temps sont troublés, les fascismes se réveillent en Europe et la guerre menace. Les hostilités sont déclenchées en 1939 face à l’Allemagne. En à peine quelques semaines la France plie devant les assauts des troupes de l’Axe. Sans hésiter, Albert prend la direction de l’Angleterre devançant l’appel du général de Gaulle. Il est déserteur, engagé aux côtés de la France libre. C’est un nouvel épisode de sa vie tumultueuse qui s’annonce.

Le ralliement à la Résistance est pour Albert Preziosi l’espoir de s’asseoir à nouveau officiellement dans un cockpit et de livrer bataille dans les airs. Mais avant d’engager les missions périlleuses c’est le début de l’attente impatiente, le départ vers l’Afrique. Les escales s’enchainent, les entrainements se succèdent, les repérages avant d’hypothétiques vols en patrouille occupent les journées. La fraternité entre les aviateurs est réelle, leur abnégation et leur volonté farouche de défendre la patrie font chaud au cœur. Preziosi retrouve des camarades, il croise Roman Kacew et d’autres légendes. Lors d’un convoyage au-dessus du désert libyen il s’écrase et ses collègues le croient mort pendant plusieurs semaines. Mais il rejoint le camp tel un revenant prêt à s’harnacher et à prendre les commandes d’un avion.

La vie de Preziosi est une succession d’événements improbables. Avec ses copains d’arme il est un des pilotes de l’escadron Normandie. Après une longue escale en Iran ils s’envolent pour la Russie. La perspective de féroces combats aériens devient concrète, l’affrontement avec les engins allemands dans le ciel russe peut débuter. Chaque mission est dangereuse, régulièrement des pilotes tombent, leurs camarades se distribuent ensuite leurs biens, en sachant qu’ils seront peut-être les prochains sur la liste macabre des disparus. Pour Preziosi la chute fatale intervient en juillet 1943, il meurt au combat, tombé pour la France, décoré à titre posthume. Il a vingt huit ans, il s’écrase à bord d’un chasseur, abattu par l’ennemi après avoir lui-même précédemment triomphé de ses adversaires. Cette mort courageuse est à l’image de la vie à cent à l’heure du protagoniste. Il a achevé son rêve et toute sa vie a triomphé des éléments et du destin.

Le picaresque roman de Jean-François Roseau est un merveilleux hommage documenté au capitaine Albert Preziosi, un héros de la résistance, un des innombrables martyrs qui se sont sacrifiés pour libérer la France et écarter la menace du nazisme. L’auteur mêle avec talent la fiction et la réalité, sa biographie romancée est très réussie. Le style haletant est très agréable, le lecteur découvre avec admiration la vie de Preziosi, ses frasques, ses galères et sa persévérance pour assouvir sa passion du vol. Ce roman est épatant et grisant.

Voilà, je vous ai donc parlé de La chute d’Icare de Jean-François Roseau paru aux éditions Folio.

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