4 Avril 2018
Aujourd’hui ma chronique est consacrée à Jacques d’Adelswärd-Fersen. Le sous-titre de cette biographie éponyme, l’insoumis de Capri, évoque la deuxième partie de la vie courte de cet homme, vécue sur cette île sise le long de la côte amalfitaine. Les deux auteurs, Viveka Adelswärd et Jacques Perot, sont de la famille du protagoniste. Avec cet ouvrage ils veulent rendre hommage à leur aïeul, le réhabiliter et témoigner de son œuvre poétique et littéraire.
Je dois convenir que ce personnage né en 1879 et mort en 1923 m’était totalement inconnu avant la découverte de cet ouvrage. Et pourtant, c’est un personnage qui a connu son heure de gloire, pas toujours pour les meilleures raisons. Après sa mort il a connu une première résurrection en étant le héros d’un roman du trouble Roger Peyrefitte. Dans l’ouvrage, la généalogie de celui qui peut être qualifié de poète scandaleux est scrupuleusement dressée. Ses ascendances sont à la fois françaises et suédoises. Il est issu de familles aristocratiques, les branches paternelle et maternelle sont évoquées et en témoignent. Jacques grandit à Paris, son père meurt alors qu’il est très jeune et il est alors le seul garçon au milieu du gynécée familial. Sa scolarité se déroule sans anicroche, il est attiré par la littérature. Il hérite de la fortune acquise par son grand-père dans les aciéries de Longwy. Il n’envisage pas de prendre la succession à la tête de l’entreprise prospère, il est plutôt dilettante et bohème. Après ses études, le jeune aristocrate écrit et publie ses premiers poèmes. Son nom devient connu dans le milieu littéraire parisien. Mais un premier scandale met un frein à sa renommée naissante en 1903. Son nom se retrouve à la une de la presse, il est mêlé à des parties fines avec de jeunes adolescents organisées par lui Avenue de Friedland à Paris. Sur cet épisode les auteurs sont peu loquaces. Jacques d’Adelswärd-Fersen est arrêté, emprisonné puis jugé. Il est au cœur d’un scandale que le texte démêle peu. C’est dommage.
Suite à cette affaire de mœurs rendue publique, Jacques part s’installer à Capri. Sa famille aurait souhaité qu’il se marie et dissimule ses attirances mais il choisit une autre voie, celle de l’exil vers l’Italie. Il continue à écrire ; ses romans et ses poèmes sont largement inspirés de sa vie. Il publie une quinzaine d’ouvrages. Il lance également Akademos, une revue aux nombreux contributeurs célèbres qui passe pour la première d’obédience homosexuelle et qui paraitra pendant un an en 1909. A Capri, il rencontre Nino Cesarini, adolescent italien dont il s’éprend. Ils vivent ensemble dans une liberté absolue. Jacques fera construire sur les hauteurs une magnifique demeure surplombant la mer, la villa Lysis. Il y convie des invités pour partager de somptueuses fêtes. La fin de sa vie est marquée par son addiction à l’opium et à la cocaïne. La drogue dans ce livre apparaît moins taboue que les fêtes à la mode antique dont il semble épris.
Cette biographie, peut-être en raison de la proximité des auteurs avec le protagoniste, reste assez discrète sur la sexualité de Jacques d’Adelswärd-Fersen. Certes, le lecteur comprend son attirance pour les hommes, et en particulier les hommes très jeunes. Mais le mot « pédophilie » n’est jamais mentionné. Une sorte de pudeur et de distance est de rigueur dans la narration. Le lecteur doit recomposer seul certains éléments manquants pour bien comprendre le contexte et la vie réelle de cet écrivain fortuné par héritage. Le livre est illustré de nombreux documents photographiques et d’archives. Ces pièces sont intéressantes et permettent de situer l’œuvre et l’époque. La biographie offre un portrait de cet homme iconoclaste véritable dandy d’un temps défunt. Des zones d’ombres demeurent. Certains de ses poèmes reproduits sont beaux et révèlent un vrai talent méconnu.
Voilà, je vous ai donc parlé de Jacques d’Adelswärd-Fersen de Viveka Adelswärd et Jacques Perot paru aux éditions Séguier.
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