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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Obock

Un récit de Jean-Jacques Salgon

Un récit de Jean-Jacques Salgon

Aujourd’hui ma chronique est consacrée à Obock de Jean-Jacques Salgon. Ce récit, sous-titré Rimbaud et Soleillet en Afrique, est une divagation sur les pas de ces deux personnages emblématiques. Afin de compléter son enquête littéraire et documentaire, l’auteur part lui-même sur le terrain africain et sur les pistes de latérite chercher des indices de la présence sur place de ces deux hommes. Les trois protagonistes de ce texte bref sont donc l’auteur soi-même, le poète maudit et l’explorateur méconnu.

Il n’est pas nécessaire de présenter Arthur Rimbaud, originaire de Charleville, adolescent prodige entré tôt en littérature, ami et amant de Verlaine, passionné d’Afrique où il passera une grande partie de sa vie en particulier à Harar en Ethiopie et au Yémen à Aden. Durant plusieurs années, il arpente l’Abyssinie où il est négociant. Après un accident, il est contraint de rentrer à Marseille où il est amputé et meurt. Paul Soleillet est un marchand et explorateur nîmois installé en Afrique de l’est au XIXème siècle. Il fait du commerce plus ou moins légal dans ces contrées hostiles. Sa postérité n’est pas celle de Rimbaud, ce récit contribue à faire découvrir Soleillet aujourd’hui oublié et lui rend un hommage posthume. Jean-Jacques Salgon suit en effet leurs traces réelles et fictives et imagine qu’ils se sont rencontrés et côtoyés quelque part dans cette zone de la Corne de l’Afrique. D’ailleurs, une vieille photographie pourrait presque témoigner de la véracité de cette rencontre. Il prend le parti de raconter quelques épisodes peut-être apocryphes de ces moments africains. Ce projet est l’aboutissement de longues années d’incubation. En effet comme il le précise : « en 1973, lors de ce voyage que je fis en Ethiopie sur les traces de Rimbaud, alors que je me trouvais à Dire Dawa, par le plus pur des hasards, il me fut donné d’apercevoir le négus Hailé Sélassié. (…). Lors d’un premier séjour que je fis à Nîmes, vers la fin de ces mêmes années soixante-dix, je fréquentais la boutique d’un bouquiniste qui se trouvait juste derrière l’église Saint-Paul. Dans mon souvenir, ce bouquiniste était une manière de vieux garçon un peu myope, portant des chandails en grosse laine tricotée, avec quelque chose qui me paraissait aussi confiné et poussiéreux que ses rayonnages emplis de volumes reliés ou couverts de papier cristal. (…). C’est lui qui, pour la première fois, avait attiré mon attention sur Paul Soleillet. » Son voyage de 2016 le mène dans les pas de ses illustres prédécesseurs. Son obstination obsessionnelle rend possible l’écriture de cette aventure.

Le Grand Hôtel de l’Univers à Aden est le lieu où tous les expatriés européens séjournent alors. Philippe Videlier a rendu hommage à cet endroit dans son récit romanesque Quatre saisons à l’hôtel de l’univers. Soleillet y réside un temps comme Salgon le documente. Mais son récit ne se cantonne pas à Aden : « le 28 août 1882, à la tête d’une caravane de douze mulets, sept chameaux et dix-huit hommes dont cinq en armes pour se protéger des pillards, accompagné de Brûlée, un chien-loup blanc et fauve d’Ethiopie (qui a dû succéder à Odette), Paul Soleillet quitte Obock à destination du Choa. Il va tenir la chronique de son expédition et de son séjour en Abyssinie et nous la livrera, quatre ans plus tard, dans un ouvrage intitulé Voyages en Ethiopie, notes, lettres et documents divers. » La confrontation du terrain avec les textes publiés favorise l’incarnation du récit. Voici quelques phrases exaltées évoquant cette fois Arthur Rimbaud : « le Rimbaud d’Aden et plus généralement d’Afrique n’a plus grand chose à voir avec le poète maudit de Paris ou l’époux infernal de Londres. Il aimerait devenir ingénieur, voudrait tout savoir sur la métallurgie, l’hydraulique, l’architecture navale, la maçonnerie, la charpente, la chimie des poudres et du salpêtre. Au gré des manuels qu’il se fait expédier depuis la France, il se rêve charron, tanneur, verrier, briquetier, potier, serrurier, métallurgiste, armurier, menuisier, télégraphiste : et pourquoi pas fabriquant de bougies ou peintre en bâtiment ? » L’accumulation de substantifs et l’énumération de quantités est une technique littéraire utilisée à plusieurs reprises. L’impression qui s’en dégage est en adéquation avec la narration.

Ce récit poétique et géographique est un formidable enchantement. Les voix des protagonistes résonnent, le lecteur est enthousiaste et rêve de fréquenter les mêmes routes qui semblent ne pas avoir vraiment changé. Djibouti, l’Erythrée, l’Ethiopie et le Yémen sont des lieux de villégiatures peu engageants aujourd’hui, le mythe de l’Abyssinie semble évaporé. Et pourtant, les populations sont accueillantes et Obock fait écho à une merveilleuse et nostalgique chanson de Gérard Manset grand voyageur avec qui l’auteur pourrait s’entendre.

Voilà, je vous ai donc parlé d’Obock de Jean-Jacques Salgon paru aux éditions Verdier.

Obock à Djibouti

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