Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Les Âmes torrentielles

Un roman qui se déroule en Patagonie

Un roman qui se déroule en Patagonie

Aujourd’hui je vais évoquer Les Âmes torrentielles roman argentin d’Agathe Portail.

La construction narrative du roman est un peu complexe et peut constituer une difficulté de lecture et d’identification aux personnages. Au début, le récit romanesque imbrique plusieurs histoires toutes situées en Patagonie en avril 2015. Sur une période de cinq jours consécutifs avec des flashbacks Les Âmes torrentielles raconte la fin d’un monde traditionnel englouti sous les eaux d’un barrage. C’est donc l’histoire d’un progrès voulu pour la population en développant la production hydroélectrique au prix du sacrifice d’une vallée qui se termine en un drame épouvantable. La question en filigrane est la suivante : « que pèse un gaucho face au besoin de confort, de lumière, de chaleur, de loisirs de trois cent cinquante mille Argentins ? Il faut bien que les électeurs en aient pour leur bulletin. » Le lecteur suit d’une part les derniers gauchos rebelles (notamment Danilo et Alma) qui accompagnent leurs bêtes dans l’ultime transhumance vers le corral qui les a achetées et en parallèle deux ingénieurs expatriés en charge de la mise en eau du barrage. Ces derniers sont incapables de lutter contre la puissance de l’eau et peu enclins, en l’absence de l’Ingénieur (le responsable provisoirement introuvable), de prévenir de l’imminence de la catastrophe que leurs mesures scientifiques annoncent inéluctable. Ces deux mondes géographiquement situés dans la sauvage et envoutante Patagonie ne communiquent pas entre eux. Force est de constater que : « la Patagonie, c’est compliqué et simple à la fois. » C’est l’affrontement à distance des dominants et des dominés. Les indigènes sont déracinés, contraints à l’éloignement et à l’exil pour laisser place au barrage synonyme de progrès ; la résistance ne dure qu’un temps face à la volonté politique et à la puissance financière, l’obstination finit par céder. Dans un décor naturel incroyable se déroulent des scènes marquantes. Ainsi la souffrance est omniprésente et décrite par exemple à travers ce gamin qui agonise après une bénigne coupure qui provoque un tétanos diagnostiqué trop tard. Le récit est épique chaque jour, comme avec cette description du déplacement contraint : « la jument s’est stabilisée, le sable ne la prend que jusque sous le ventre. Elle est morte d’épuisement, de panique et d’asphyxie. Peut-être que c’est une mort plus souhaitable que de crever de faim et de soif, les quatre jambes immobilisées et l’encolure tendue vers le ciel, l’esprit beaucoup trop vivant pour se résigner. » La traversée du barrage hydroélectrique est un moment angoissant, tandis qu’apparaissent les prémisses de la rupture de l’édifice. En effet : « sous la pression de l’eau qui continue de s’accumuler dans le lac de rétention, l’édifice s’incurve, la voûte pousse de tout son poids sur les points d’ancrage dans la montagne. (...). Dans une longue plainte, le barrage cède. Une déchirure monumentale s’ouvre en partant du point d’ancrage nord. Un pan entier s’arrache de la montagne et emporte au fond des gorges tout l’ancrage de la voûte. » Le roman est fort et puissant malgré son architecture un peu alambiquée. Dans cette région hostile et magique : « l’espérance était comme la mèche d’une bougie qu’on vient d’éteindre entre deux doigts : elle fumait encore mais ne se ranimait pas, elle les laissait seuls dans le vide creusé par sa fuite. »

Les Âmes torrentielles est l’histoire émouvante de l’inondation meurtrière d’une vallée dont les habitants sont chassés pour permettre à la population du pays d’accéder à l’électricité.

Voilà, je vous ai donc parlé des Âmes torrentielles d’Agathe Portail paru aux éditions Actes Sud.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article