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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Les spectres joyeux

Un récit de Christian Giudicelli

Un récit de Christian Giudicelli

Aujourd’hui je vais évoquer Les spectres joyeux de Christian Giudicelli. C’est le récit intime d’un écrivain septuagénaire qui se souvient de moments « minuscules » de sa vie. Il évoque avec tendresse et nostalgie celles et ceux qu’il a croisés. Le titre évoque une formule poétique de Verlaine que l’auteur reprend à son compte. Le livre est composé d’anecdotes plus ou moins récentes, chaque fragment est sans lien direct avec les autres et pourtant la composition est harmonieuse et touchante.

Christian Giudicelli est originaire du sud de la France, c’est un homme de radio qui travaille à France Culture avec Roger Vrigny où ils animent des émissions littéraires. Il collabore également avec la maison d’édition Gallimard. Giudicelli évoque ses amitiés littéraires notamment avec Gabriel Matzneff auquel il est attaché (il se retrouve fréquemment dans les Carnets noirs de ce dernier). L’auteur préfère les hommes, Claude est le grand amour de sa vie. Il a partagé de nombreuses années avec ce peintre rencontré pendant sa jeunesse. Il ne s’est jamais vraiment remis de sa disparition, il continue de l’évoquer dans ces pages avec tendresse. Claude côtoie ainsi Kamel, nouvel amant de Christian, déjà croisé dans un de ses précédents opus Parloir. Ce volet intime et quasiment public de la vie de Christian Giudicelli n’est pas l’essentiel des Spectres joyeux.

En effet, le récit convoque surtout des hommes et des femmes qu’il a connus brièvement ou juste croisés le temps d’une aventure. Ces spectres sont souvent disparus, cependant il précise que : « la plupart de ceux que j’ai croisés ont laissé leur empreinte, souvent légère, épisodique, parfois insistante jusqu’à l’obsession. Ainsi le terrassier de Nice et l’étranger du bateau, si incrustés dans mon esprit qu’ils ne me quitteront jamais. Je les accueille volontiers, ces spectres dont je suis persuadé qu’autrefois ils m’ont souri au dernier instant de notre rencontre. C’est surtout ce sourire que je conserve, cette joie – merci Verlaine – d’une jeunesse qui refuse d’abdiquer. » La première histoire revient à la mémoire de l’auteur lorsqu’il croise un jeune pompier qui lui propose des billets de tombola rue de Rennes à Paris. Ce soldat du feu lui évoque un de ses collègues, son sauveur qui l’avait réanimé suite à un malaise et qui dans le fourgon le transportant aux urgences lui avait parlé et touché la main. Le métier et le dévouement des pompiers sont l’occasion d’une digression sur la solidarité et le soutien. D’autres rencontres sont plus pénibles et dérangeantes : ainsi ce jeune homme qui est persuadé que l’auteur à couché avec sa mère et qu’il est donc son fils naturel. Le dialogue de sourd entre les deux hommes est sans issue, la bonhommie de Giudicelli finit par l’accabler. Des garçons croisés à Paris ou au Maroc sont les héros évanescents de ces pages, ce sont des prénoms ou des odeurs qui demeurent présents à la mémoire. Ainsi ce roumain que l’écrivain accueille chez lui, qu’il laisse seul dans l’appartement alors qu’il doit honorer un rendez-vous et qui lui provoque une crise d’angoisse sur le probable vol qu’il doit commettre en son absence. En réalité le jeune homme se comporte parfaitement, l’écrivain n’est pas dépouillé. Parmi les visiteurs de la mémoire figurent les silhouettes de jeunes hommes dragués dans la rue, dans les transports ou dans un parc. Leurs échanges débouchent parfois sur un plaisir charnel partagé et éphémère. L’homosexualité n’est pas l’objet d’une revendication, elle est un fait banal et assumé avec simplicité.

Ce récit est donc celui d’un homme vieillissant qui souhaite garder intact le souvenir des rencontres fondatrices de sa vie. Il a conscience des ravages pernicieux de l’âge, il sait que le temps passe et qu’il ne pourra plus publier beaucoup d’ouvrages. Cependant, le sentiment qui domine dans cette narration poétique n’est pas le regret, il reste heureux de vivre même s’il est inconsolable de la disparition injuste de l’être aimé. L’amour est ici éternel, les autres relations sentimentales et sexuelles, les désirs érotiques consommés n’affadissent pas l’amour absolu et probablement unique envers Claude.

Voilà, je vous ai donc parlé des Spectres joyeux de Christian Giudicelli paru aux éditions Gallimard.

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