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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla

Le nouveau roman de Jean-Christophe Rufin

Le nouveau roman de Jean-Christophe Rufin

Aujourd’hui je vais évoquer le nouveau roman de Jean-Christophe Rufin Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla. L’académicien est un romancier prolixe dont l’inspiration est multiple. Il a été médecin et ambassadeur, s’est investi dans les causes humanitaires avant d’entrer en littérature. Avec ce nouveau roman il retrace la formidable et extraordinaire histoire d’amour qui unit ses protagonistes durant un demi siècle. Rufin est le narrateur attentif et admiratif de cet amour singulier. Voici les premiers mots de son récit : « Ludmilla et Edgar. Edgar et Ludmilla. Il m’est impossible d’imaginer ce qu’aurait été leur destin l’un sans l’autre. » Comme le titre l’indique Edgar et Ludmilla se sont plusieurs fois mariés et ont donc également divorcé presque autant de fois. Jean-Christophe Rufin entend reconstituer les principaux moments de leur vie depuis la rencontre initiale jusqu’à leur disparition. Comme il le précise : « raconter leur histoire, c’est d’abord la faire comprendre et accepter. En se bornant à compter abruptement les séparations et les unions, on reste à la surface des choses et le résultat serait une pantomime. Tandis qu’en reconstruisant étape par étape la vie de ce couple on peut donner à voir à quel point ses déchirements et ses retrouvailles s’inscrivent dans une logique, je dirais presque une nécessité. » Le narrateur ne juge pas, il rapporte les faits de façon neutre, clinique. Avant d’écrire ce texte il a pris soin de mener l’enquête, de discuter avec Edgar et Ludmilla et de comprendre les zones d’ombre de leur histoire. Il faut préciser que ce sont ses beaux-parents.

C’est en 1958 qu’Edgar croise le chemin de Ludmilla, jeune fille ukrainienne. Le jeune homme est parti sur les routes de l’est avec des amis. Ils effectuent un reportage photographique à la rencontre du monde soviétique. Dans un village qu’ils traversent sous la surveillance attentive d’un agent du régime, Edgar aperçoit une jeune fille qui est nue dans les branches d’un arbre. Elle provoque un mini scandale dont il ne comprend pas la raison. Il croise son regard, et éprouve une sensation physique jusque là inconnue de lui. Après réflexion, force est d’admettre que cela pourrait être le signe d’un fulgurant coup de foudre, la signature d’un amour naissant. Edgar poursuit son chemin, mais celle dont il ne sait pas encore qu’elle se prénomme Ludmilla devient une obsession. L’été suivant, il revient seul en Ukraine afin de la retrouver. Le second échange de regard confirme ses sentiments, il est amoureux. C’est réciproque, malgré la barrière du langage il aborde Ludmilla puis il l’épouse afin de lui permettre de le suivre en France. Ce premier mariage est purement de circonstance, ce sera le début d’une succession de cérémonies d’union. Edgar et Ludmilla sont jeunes, ils vont apprendre à se connaître et à vivre ensemble. Elle devra apprendre la langue et le mode de vie parisien.

Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla est donc l’évocation des grandes étapes de la vie de ce couple mixte. Au retour à Paris, Edgar tente de s’accrocher au métier de journaliste avant de bifurquer et de se reconvertir dans les affaires. Sa vie professionnelle est une succession de réussites époustouflantes et d’échecs cuisants. Il est dans les années 80 comparé à Bernard Tapie. Il commence dans le domaine de la bibliophilie en achetant et vendant des manuscrits. Afin de sécuriser son négoce il organise quelques escroqueries. Plus tard, il investit dans le BTP, construit des hôtels de passe à la forte rentabilité. Il change souvent d’activité, toujours soutenu par le même banquier un peu voyou. Il construit un stade à Paris, puis accumule des projets parfois un peu véreux. Ludmilla pour sa part après des difficultés d’intégration en France se découvre une passion pour le chant. Elle se rêve cantatrice, prend des cours, a une histoire avec son sévère répétiteur. Un soir, elle triomphe à l’opéra en remplaçant la diva absente. Elle dompte le public devient un phénomène médiatique. Mais sa voix est-elle à la hauteur de sa réputation ? De l’amour de ce couple naitra Ingrid, leur fille unique qui devient la compagne du narrateur plus âgé qu’elle. Mais les parents commencent à se séparer ; c’est le début d’une alternance entre vie commune, séparation, retrouvailles, mariage et ainsi de suite. Ingrid a une relation distante avec sa mère, celle-ci l’a souvent abandonnée à son père afin de mener sa carrière de chanteuse lyrique. Ludmilla à l’apogée de sa carrière n’a définitivement pas la fibre maternelle, elle néglige Ingrid et s’intéresse davantage à son propre parcours. Outre Edgar et Ludmilla, le roman intègre leurs proches avec quelques personnages peu fréquentables tels le banquier ou l’imprésario. Chacun des mariages peut être vu à l’aune de leur vie. Une fois ils se disent oui à l’église, une fois en Afrique du Sud où ils sont exilés, une fois pour appâter les journaux à sensation avides de glamour et de sensualité. Certains mariages sont très intimes, d’autres sont exubérants et fous, le dernier est probablement le plus touchant. A la veille de son ultime mariage Edgar confie au narrateur : « il nous semble aujourd’hui que le mariage est quelque chose de trop sérieux pour le confier à des jeunes gens. Ce devrait être un aboutissement, vous ne croyez pas ? Un but à atteindre, un idéal. Pour y parvenir, il faudrait toutes les ressources de la maturité, toutes les leçons de l’expérience et le temps surtout, le temps pour rencontrer la bonne personne et la reconnaître. » D’ailleurs, lors de cette ultime fête Ingrid qui a longtemps été hostile à l’idée de mariage, probablement en raison de la souffrance engendrée par les séparations de ses parents, est convaincue des bienfaits potentiels et envisage de s’unir au narrateur. Tout ce roman qui raconte des vies plutôt favorisées et bien inscrites dans l’époque est également une réflexion sur l’institution du mariage.

Ce roman est finalement une apologie du mariage, et en creux du divorce. La routine est un obstacle à l’amour, il faut toujours réinventer la passion. Le narrateur fait preuve de tendresse et d’affection à l’égard de ses beaux-parents qui ont vécu libres en négligeant le qu’en dira-t-on.

Voilà, je vous ai donc parlé des Sept mariages d'Edgar et Ludmilla de Jean-Christophe Rufin paru aux éditions Gallimard.

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