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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

La manche

Un roman parisien sur un jeune sans domicile

Un roman parisien sur un jeune sans domicile

Aujourd’hui je vais évoquer La manche premier court roman de Max de Paz. Ce jeune auteur de vingt-deux ans est talentueux. Il se glisse dans la peau d’un clochard de son âge et raconte de l’intérieur la rue et la mendicité avec naturalisme.

Max de Paz (un pseudonyme pour ce normalien qui prépare l’agrégation de philosophie) n’a pas grand-chose en commun avec son protagoniste. Ce roman n’est donc pas autobiographique et narcissique comme c’est souvent le cas, mais plutôt inspiré de l’observation de l’environnement paupérisé de Paris. Les deux points communs entre le personnage de fiction (sans prénom, ce qui accentue son anonymat) et son auteur sont l’âge et la géographie : le cinquième arrondissement huppé de la capitale est le lieu unique de cette triste histoire. Le jeune homme qui parle, le narrateur, s’exprime avec un langage de l’oralité et s’adresse au lecteur, il l’interpelle et le tutoie. Il a vingt ans et vit dans la rue depuis plusieurs semaines. Il a grandi avec son grand-frère et sa mère à Ivry. Jusqu’au jour où celle-ci l’a envoyé chez son camarade Léo le temps qu’elle gère les soucis familiaux. Mais il a compris : son ainé, qui avait la vocation de devenir pâtissier mais pour gagner de l’argent pour le foyer s’était fait chauffeur de VTC au prix de l’endettement de la mère, est en réalité alcoolique et drogué. Le naufrage est total, les ravages du crack sont vertigineux. Et donc le protagoniste se retrouve à la rue, pour ne pas encombrer. Il coupe les liens familiaux et faute de ressource il sombre et s’enfonce dans l’exclusion. Il commence à faire La manche, à quémander dans la rue ou dans le métro quelque obole qui lui permettra de se nourrir et de se loger. Il se clochardise et revendique le terme plutôt que sans-abri ou SDF. Le triptyque de cette vie à la rue se résume en trois mots : « froid, faim et solitude ». Le jeune homme a deux amis Moussa et Tamás, clochards comme lui, mais il constate que dans le quartier les bienfaiteurs choisissent leur pauvre. Lui est jeune et blanc, il inspire la pitié et la charité ; son pote noir qui a arpenté les plages de Toscane pour vendre des babioles aux touristes avant d’atterrir à Paris est méprisé et le Rom dont toute la famille est installée sur un trottoir de la rue Cujas est violent et révolté. Dans cette cour des miracles qui squatte les bouches de métro du quartier latin figure Philippe, le clochard intellectuel qui a toujours un bouquin et séduit la population locale qui a une propension exagérée à le soutenir ; il est : « le chouchou des riches ». Philippe : « ça fait trois ans qu’il occupe la bouche d’aération de la place du Panthéon, côté mairie. Alors il n’a sûrement plus l’espoir ». Le narrateur survit avec ses compagnons de misère, il se protège du froid avec des cartons récupérés sur le marché de la place Monge et fait les poubelles pour manger quand il est trop affamé. Les trois miséreux se chamaillent lorsque Moussa veut déguster une gaufre au chocolat avec leur pécule, Tamás trouve que ce n’est pas assez nourrissant et que le plaisir ne doit pas être la priorité. Au final ils se font racketter par une vieille édentée qui semble plus miséreuse qu’aux. Et puis le protagoniste croise Elise qu’il prend d’abord pour un homme. La jeune fille poétesse à ses heures se méfie des hommes, elle tente de se protéger et accepte avec difficulté la relation avec son voisin d’infortune. Elle est traumatisée par ses expériences antérieures. L’esquisse d’un possible amour nait entre eux et le bref roman se termine dans une échappée poétique et lyrique dans un grand appartement vide (les pages les moins captivantes selon moi).

La manche est un roman dérangeant, criant de vérité qui remue et bouleverse. Max de Paz décrit avec réalisme la vie des clochards et dénonce les criantes inégalités, le scandale des logements vides alors que tant de personnes dorment à la rue avec l’insuffisance des structures d’accueil et l’inefficacité des moyens déployés. De la littérature avec un style et un portrait sensible très convaincant.

Voilà, je vous ai donc parlé de La manche de Max de Paz paru aux éditions Gallimard.

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