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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Une vie de homard

Un tendre roman norvégien

Un tendre roman norvégien

Aujourd’hui je vais évoquer Une vie de homard d’Erik Fosnes Hansen. Ce roman se déroule en Norvège en 1982. C’est l’histoire de Sedd, le personnage principal qui a 14 ans et vit avec ses grands-parents dans l’hôtel de montagne Favnesheim. Ce lieu est sur le déclin, un peu en décrépitude malgré l’emplacement sublime, isolé et calme. Jim reste le fidèle cuisinier de l’hôtel et le confident de Sedd, tandis que le personnel a été fortement réduit. Les fastes passés ne sont plus qu’un souvenir ; les nombreuses chambres ne sont plus toutes occupées ; les couloirs sont vides. En effet, les Norvégiens ne viennent plus dans les montagnes de leur pays, ils préfèrent partir vers le Sud infernal ces lointaines plages de sable blond sous le ciel azur. Le titre du roman est étrange et métaphorique. Il évoque la vie de Sedd et de sa famille qui refuse d’accepter la réalité de l’époque et la condamnation de l’hôtel à brève échéance. Au début il est fait allusion au crustacé qui constitue un des mets de prestige servi dans l’hôtel : « ce n’est pas vrai que les homards sont silencieux. Les homards font du bruit d’abord quand ils grattent contre les graviers au fond de l’aquarium. Si vous pressez l’oreille contre la vitre, vous pourrez entendre des coups sourds. Ou quand ils frappent désespérément avec leur queue contre le fond et cherchent à s’enfuir tout aussi désespérément dans l’eau avant de se heurter à la courte paroi au bout du bassin et de couler tout aussi désespérément vers le fond. » Sedd est attentif aux homards qui sont dans l’aquarium.

Malgré la situation difficile, il s’efforce d’aider au mieux ses grands-parents et accomplit de nombreuses tâches dans l’hôtel. Au début du roman il s’illustre même malgré lui. Un convive, Berge le banquier du village est attablé avec son épouse lorsqu’il a un malaise. Il tombe inanimé et le jeune homme, secouriste volontaire à la Croix-Rouge locale, pratique alors un bouche-à-bouche désespéré qui ne permet cependant pas de sauver l’homme. Sedd refuse d’être récompensé, d’autant que ce trépas a eu lieu à Favnesheim et pourrait être un signe de mauvais augure. L’hôtel vit au rythme lent des quelques clients présents : un groupe de pécheurs allemands radins, une famille avec leur exaspérante petite fille Karoline, un séminaire de croque-morts. Un des filons pour maintenir à flot l’activité est l’organisation de mariages en formule tout-compris. Pourtant, même ces banquets n’ont plus trop la faveur des mariés. Sedd, plein de bonne volonté est sur tous les fronts : il accompagne les allemands dans les montagnes près des lacs à la recherche des poissons, il aide Jim en cuisine, il divertit Karoline en jouant au mini-golf, en nageant dans la piscine ou en se baladant en montagne. D’ailleurs, lors d’une randonnée avec la fillette il la sauve de la noyade lorsqu’elle chavire de la barque où ils ont pris place. Il est décidément un émérite protecteur.

Sedd paraît exotique car il est très bronzé. Mais il ne sait pas qui est son père, et sa mère est partie sans laisser d’adresse. A son âge la quête des origines l’occupe et il se renseigne sur son père. Il interroge ses grands-parents et les employés de l’hôtel. Il affirme : « bon, je n’ai pas de père, car mon père, le docteur Kumar, est mort et je ne l’ai pas connu, mais si le docteur Kumar avait été en vie, j’aurais pris soin d’avoir de bons rapports avec lui, pour qu’il ne me retire pas sa confiance ou ne me tienne pas pour un dangereux rebelle. » Il comprend que son père indien a été de passage à l’hôtel où il a rencontré sa mère. Quant à elle, il sait juste qu’elle est partie pendant son enfance et il en garde peu de souvenirs. Il ne se rend pas compte des dettes accumulées par ses grands-parents, l’alerte lors d’un voyage à Oslo avec son grand-père qui souhaite lui acheter des habits et ne peut payer n’est pas suffisante. La menace qui pèse sur l’hôtel échappe à Sedd. Mais le banquier change et avec lui les méthodes et les facilités de crédit également. L’adolescent se convainc que : « l’histoire de Favnesheim montre très clairement qu’il y a toujours eu une solution. » Bien qu’ayant toujours vécu dans l’hôtel Sedd n’a pas accès à une pièce mystérieuse qui attise sa curiosité. Que peut contenir cette chambre secrète située dans une aile un peu abandonnée ? Il élabore mille hypothèses et sa curiosité est mise à rude épreuve, d’autant qu’il trouve un stock de lettres qu’il n’ose ouvrir. Alors que l’hôtel s’embrase Sedd constate pénétrant dans la pièce : « c’était bien elle. Dans le fauteuil, immobile, avec ses longs cheveux roux. Ma mère. Parfaitement immobile, rigide, morte. » Sedd est le narrateur et le contempteur du déclin de l’hôtel. Il interpelle le lecteur : « quand on a décidé, comme moi, d’écrire ses Souvenirs, on prend vite conscience d’un certain nombre de difficultés, ne serait-ce que pour savoir de quoi il convient de se souvenir. Une chose néanmoins est sûre : l’avenir de la littérature réside dans l’autobiographie. (…). Lorsque l’on écrit ses Souvenirs, il faut penser au lecteur. En effet, le lecteur ne sait pas ce qui est important et ce qui ne l’est pas, quels sont les éléments essentiels et ce qui relève seulement du remplissage. » Fort de ces préceptes la narration de Sedd permet de reconstituer sa généalogie et de partager l’atmosphère surannée de l’hôtel.

Une vie de homard est le récit, à travers les yeux d’un jeune adolescent, de la fin d’un monde où l’hôtel familial débordait d’activité et de clients. Le faste décadent est opposé à la réalité économique incarnée par le nouveau banquier sans empathie pour les vieux hôteliers. Ce roman est également une introspection tendre et tragique où le protagoniste orphelin devient adulte, trouve ses origines et comprend le destin tragique de l’hôtel et les cachotteries protectrices de ses grands-parents.

Voilà, je vous ai donc parlé d’Une vie de homard d’Erik Fosnes Hansen paru aux éditions Gallimard.

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