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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Paradis du nouveau monde

Un essai de Nathan Wachtel

Un essai de Nathan Wachtel

Aujourd’hui je vais évoquer Paradis du nouveau monde de Nathan Wachtel. C’est un essai historique érudit écrit par un spécialiste reconnu de l’Amérique latine. Dans cet ouvrage l’auteur développe sa méthodologie d’étude historique qui consiste à confronter diverses perspectives pour tenter de couvrir une problématique. Comme l’indique le titre Nathan Wachtel questionne les textes sur la localisation du paradis, au sens chrétien du terme. Le livre est composé de deux parties intitulées respectivement Fables d’occident et Messianismes indiens. Ainsi sont proposés les points de vue européen et indien complémentaires et souvent opposés.

L’essai débute par une question simple et immense qui occupe moult savants : « où se trouvait le paradis terrestre ? A cette question tentent de répondre d’innombrables ouvrages qui, depuis des siècles, remplissent d’immenses bibliothèques. » En guise de réponse, Nathan Wachtel plonge dans les archives et les ouvrages rédigés il y a plusieurs siècles notamment après la Conquête autour de la période de la découverte et de la colonisation de l’Amérique. La localisation du paradis selon l’hypothèse développée pourrait se situer en Amérique. Plusieurs indices convergents permettent d’étayer cette affirmation. En effet, suite à la découverte du continent américain, toutes les descriptions princeps font l’éloge du lieu. Par conséquent ces terres correspondent à la définition du paradis avec une végétation luxuriante et abondante, un ciel dégagé. L’historien fait découvrir des auteurs peu connus et pourtant fondamentaux. Il affirme que : « le parallélisme entre les œuvres d’Antonio de León Pinelo et de Simao de Vasconcellos peuvent être attribués à ce que l’on désigne par l’esprit du temps : l’éloge des splendeurs et des richesses de l’Amérique était alors un lieu commun. » Wachtel étudie ces textes pour en proposer de signifiants extraits. Une autre thèse circule en Europe à la même période : les Indiens seraient des descendants d’Israël et par conséquent ils seraient juifs. Ces théories aujourd’hui obsolètes ont néanmoins influencé le mode de pensée dominant de l’époque.

Dans la seconde partie de l’ouvrage c’est le point de vue indien qui prédomine, Wachtel analyse la persistance par-delà les siècles de certains mythes. Il constate que : « la figure de l’Inca n’a jamais cessé d’être représentée dans des manifestations publiques sous forme de défilés, processions et mascarades. » Malgré la colonisation et l’évangélisation les indigènes continuent à croire en leurs divinités. Un voyage encore aujourd’hui dans les Andes permet de confirmer cette affirmation. Il ajoute qu’ « on ne peut manquer de rappeler à quel point les noms mêmes de Tupac Amaru et de Tupac Katari sont devenus, non seulement au Pérou et en Bolivie, mais encore dans l’ensemble des pays d’Amérique latine, les symboles héroïques de mouvements révolutionnaires et de luttes armées. » Il insiste sur le renouveau des mythes autour de l’Inca, avec des fêtes andines colorées et chatoyantes. Au sud comme au nord du continent force est de constater que : « l’accumulation des catastrophes continuait à décomposer les sociétés indiennes : outre les épidémies toujours répétées, elles ne cessaient de subir pertes de territoires et appauvrissement des ressources : les traumatismes des mondes perdus n’en finissaient pas de recommencer. » C’est là le constat affligeant des résultats de la Conquête et des exterminations des populations locales considérées avec mépris et négligence. Nathan Wachtel évoque deux événements importants dans l’histoire des indiens nord-américains : « la Ghost Dance et le massacre de Wounded Knee sont indissolublement liés dans la mémoire historique des Indiens, aux Etats-Unis, en tant que symboles de leur identité collective et de leur destin. » Dans l’ouvrage, il développe ces faits et établit des liens entre eux lui permettant de défendre les peuples opprimés et leurs croyances. Pour conclure ses démonstrations il indique qu’ : « entre les représentations occidentales relatives au Nouveau Monde d’une part, et les perspectives ou visions amérindiennes d’autre part, on constate une nette différence de tonalité. (…). La Terre sans Mal, le mythe d’Inkarri, la Ghost Dance : ces trois cas de « messianisme » indien se produisent parallèlement dans des sociétés et des cultures différentes, situés en des zones géographiques éloignées les unes des autres, sans aucune interrelation régulière. (…). Les mouvements indiens dits « messianiques » sont généralement des réactions de résistance, de rejet, face aux invasions européennes et aux dominations coloniales. » L’historien propose une interprétation convaincante de la résurgence pérenne de messianismes locaux fondés pour lutter contre les dogmes importés d’Europe.

Paradis du nouveau monde est un essai fascinant et stimulant. Les théories de l’auteur sont iconoclastes, il met l’accent sur le point de vue et la pensée indienne pour ne pas survaloriser les thèses occidentales. Cette démarche méthodologique originale est salutaire.

Voilà, je vous ai donc parlé de Paradis du nouveau monde de Nathan Wachtel paru aux éditions Fayard.

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