L'assassinat de Socrate

Roman historique autour du personnage de Socrate

Aujourd’hui ma chronique est consacrée à L’assassinat de Socrate, un volumineux roman historique de Marcos Chicot. En plus d’une centaine de chapitres, couvrant plusieurs décennies aux environs de moins 380 avant Jésus-Christ, ce dense pavé plonge le lecteur dans la Grèce antique. L’opposition entre les cités d’Athènes et de Sparte qui s’affrontent pour dominer la région et étendre leur zone d’influence est omniprésente. Le propos du récit est de suivre le philosophe Socrate jusqu’à l’épisode fameux de sa mort par avalement de la ciguë.

Les protagonistes du roman sont pour la plupart inspirés de personnages réels. Parmi les plus connus il faut citer Socrate, Platon, Périclès, Euripide et Sophocle. Mais c’est autour de Persée, un jeune athénien dont la mère a été tuée par des bandits à sa naissance, que l’intrigue est construite. En effet, sa mise au monde est auréolée de mystère et des rumeurs mettent en doute sa parenté. Dans son enfance, un ami de son père a consulté la Pythie de Delphes pour deviner l’avenir. Elle a livré un oracle dont l’interprétation pèse pendant de longues années sur le destin de Persée malgré lui. Selon la prédiction, Socrate sera assassiné par « celui au regard le plus clair ». Or, il se trouve que Persée a des yeux bleus quasi transparents. Cet oracle n’est pas révélé au jeune homme et Socrate refuse d’y prêter attention. Dans sa jeunesse Persée rencontre E Cassandre dont il s’éprend mais elle doit épouser un homme plus âgé qu’elle n’aime pas conformément aux attentes de sa famille. Voici comment elle juge son père : « au bout d’un certain temps, elle remarqua que son père fixait des yeux un groupe de spectateurs : Sophocle et sa cohorte d’amis et laudateurs. Ce vieil homme de soixante-douze ans était l’auteur en vie le plus célèbre d’Athènes. Ses tragédies avaient gagné d’innombrables prix, et il avait été élu stratège à plusieurs reprises, obtenant des victoires remarquables au cours de ses campagnes, souvent aux côtés de son contemporain Périclès. Cassandre l’observa avec attention. Contrairement à son père, Sophocle était un homme ouvert, et il avait une longue carrière politique. » Nul doute que la jeune fille est en rébellion contre son paternel. Mais l’époque impose qu’elle obéisse. Cependant, après quelques années elle retrouvera Persée et grâce à l’intervention bienveillante de Socrate elle pourra se rapprocher de lui et échapper à l’emprise de son beau-frère.

Athènes et Sparte sont deux cités rivales en conflit et même souvent en guerre en ce cinquième siècle avant notre ère. Les spartiates sont réputés pour leur force, leur ténacité et leur puissance physique. La peste ravage Athènes et décime la population et les soldats. La démocratie est le système politique en place. Les citoyens doivent décider de leur avenir, des batailles à livrer. Ils sont invités à se prononcer régulièrement en assemblée. Le roman raconte les batailles, décrit les massacres et les combats. Persée d’un côté, Ariston de l’autre défendent les couleurs de leurs camps. Ils sont fiers de représenter leur cité. Lors d’une course olympique c’est le premier qui l’emporte, le second étant déstabilisé en voyant en son adversaire un portrait de sa mère Deniyara. Avant le principal intéressé, le lecteur comprend quelle est la véritable filiation de Persée qui doit rester secrète au risque qu’il soit immédiatement occis.

Marc Chicot raconte les mœurs, les mariages arrangés, la place misérable laissée aux femmes. La société grecque est patriarcale, elles sont considérées quasiment au même rang que les esclaves. Même les hommes les plus ouverts, tel Socrate, ont du mal à admettre que les femmes puissent avoir voix pour les affaires de la cité. Persée à force de patience et de persévérance retrouvera Cassandre dont il est amoureux en cachette depuis l’adolescence. Leur première étreinte est ainsi évoquée sans censure : « l’intensité de leurs caresses suivait celle de leur plaisir. Sans cesser de s’embrasser, ils se débarrassèrent de leurs vêtements et ils continuèrent de s’aimer, totalement nus, glissant l’un contre l’autre, en sueur, peau contre peau. » Avec lui elle pourra enfin donner naissance à un fils. L’accouchement donne lieu à une description naturaliste très réaliste de la douleur atroce de ce moment. La philosophie est le fil rouge jusqu’à la mort de Socrate, l’auteur présente les principaux courants de pensée en place. Voici un exemple des principes défendus par Socrate devant ses disciples : « le véritable savoir ne s’apprend pas. On y parvient par ses propres conclusions, même si un maître peut nous guider à travers le processus de raisonnement. Savoir que ce que l’on croyait vrai ne l’était pas, c’est déjà prendre de l’avance sur ceux qui sont pleins de vérités qui ne le sont qu’en apparence. Et tu ne dois pas douter que chercher, c’est progresser dans la connaissance, même si le but n’est pas encore atteint. » A travers cette épopée historique le lecteur est entouré des idées des penseurs de l’époque.

Ce roman est trop long et parfois indigeste. Cependant, c’est une introduction à la mythologie et à la philosophie intéressante. C’est également une photographie, un instantané de la société grecque d’alors avec ses contradictions, ses formidables intuitions et ses paradoxes.

Voilà, je vous ai donc parlé de L’assassinat de Socrate de Marcos Chicot paru aux éditions Plon.