L'I3P infiltrée

10 Janvier 2023

Une enquête en immersion dans un service psychiatrique rattaché à la police parisienne

Aujourd’hui je vais évoquer L'I3P infiltrée enquête journalistique stupéfiante de Valentin Gendrot. Le bandeau figurant sur le bouquin indique comme accroche Le service psychiatrique de la police raconté de l’intérieur. L’auteur est journaliste et utilise la méthode de l’infiltration pour s’immiscer dans un milieu (en l’occurrence la police) et réaliser son enquête. Après ses études il a donc suivi une formation de policier, sa première affectation à Paris est l’objet de ce documentaire. Il précise : « les policiers ne reçoivent pas de formation spécifique sur l’interpellation des malades mentaux. D’ailleurs, au cours de ma formation à l’école de police de Saint-Malo, nous n’avons pas abordé le sujet. »

L'I3P infiltrée comprend deux thèmes : d’une part la narration du quotidien de ce service particulier avec l’observation participante de Valentin Gendrot et d’autre part quelques années après sa recherche de quelques-uns de ceux qu’il a conduits à l’époque. Il effectue ainsi un focus sur la maladie mentale et ses implications sociales. Au début du livre le ton est donné : « bienvenue au pays des gens-qui-vont-pas-bien, contrée qu’on ne peut vraiment connaître que de l’intérieur ! » Ce voyage quasi ethnologique est une plongée dans un monde inquiétant. Sur l’I3P elle-même il faut noter que : « l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris est une boîte noire. Un lieu où règne le secret médical, interdit aux regards extérieurs et aux journalistes. Un établissement unique en France, et même en Europe. Un État dans l’État. » Le rôle de l’auteur qui est alors fonctionnaire de police s’apparente à celui de chauffeur, il est chargé après le passage à l’I3P d’assurer le transfert des malades vers les hôpitaux parisiens en fonction de l’orientation préconisée par les médecins. Le journaliste, observe, note, essaye d’obtenir un maximum d’informations sur ce service et les patients. Il écrit : « les personnes admises à l’I3P sont en crise, parfois dangereuses, souvent attachées, toujours shootées par les médicaments. (...). L’I3P, c’est 2000 admissions par an ; 1100 personnes conduites en psychiatrie, et dans la majorité des cas pour des hospitalisations sans consentement. On les envoie en HP parce qu’elles « présentent un danger pour elles-mêmes ou pour autrui », dit la loi et écrivent les psychiatres dans leurs certificats médicaux. » Les chapitres de L'I3P infiltrée sont courts et factuels. Une dizaine de cas de patients sont plus approfondis, on retient les prénoms de Thomas, Olga ou Mathias. Valentin Gendrot retrouve des familles, discute avec des frères ou des parents. La maladie mentale dans ses formes les plus graves et handicapantes a souvent une étiologie complexe, il tente de remonter aux origines des pathologies. Le tableau clinique qu’il dresse est terrible. Il précise que : « les neuroleptiques permettent la massification des soins. Dans les hôpitaux, le silence est devenu une norme. » Ces médicaments psychotropes ont constitué une révolution mais la psychiatrie demeure un champ maltraité, la notion de folie continue à angoisser et faire peur.

L'I3P infiltrée est une enquête intéressante, le statut de ce service atypique interroge ; pourquoi à Paris les malades mentaux arrêtés par la police ne sont pas traités selon le droit commun comme ailleurs sur le territoire ? Cet ouvrage est complémentaire d’autres témoignages récents sur la psychiatrie comme Le fumoir de Marius Jauffret. Ce portrait sans fard de la psychiatrie contemporaine et de son manque de moyens est éclairant.

Voilà, je vous ai donc parlé de L'I3P infiltrée de Valentin Gendrot paru aux éditions Albin Michel.