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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Blanc

Un récit de Sylvain Tesson

Un récit de Sylvain Tesson

Aujourd’hui je vais évoquer Blanc le nouveau récit immaculé de Sylvain Tesson. Son précédent opus La panthère des neiges se déroulait au Tibet. Cette fois l’écrivain voyageur entreprend avec deux compagnons, Du Lac et Rémoville, la traversée à ski des Alpes.

Au départ de cette aventure prévue à deux, un désir de réalisation de soi, pas nécessairement un exploit mais pour Tesson et Du Lac le plaisir de partir ensemble avec ce défi de relier Menton à Trieste en suivant l’arc alpin. Blanc est le récit au jour le jour de ces étapes de peu de kilomètres mais de fort dénivelés avec la succession de cols et de sommets. En réalité le texte littéraire n’est pas la narration méthodique et clinique de chaque journée. L’odyssée se déroule de 2018 à 2021 sur quatre hivers successifs. Chaque année, en février ou mars, les deux amis (bientôt trois) partent pour vingt à trente jours de périple. Presque par hasard dans un refuge ils rencontrent Rémoville qui a lu Sur les chemins noirs de Tesson et se joint au duo. Le texte est une réflexion sur le voyage (le proche et le lointain), une collection de citations ou d’aphorismes par rapport à ce que voit et ressent l’auteur. Sylvain Tesson est un baroudeur, les conditions même si elles sont parfois difficiles sont moins extrêmes que lors de précédentes expéditions. Dans les premières pages il écrit : « nous aimions relier des lieux inaccessibles par des endroits infranchissables. »Suivre la progression des marcheurs/skieurs est impressionnant, leur volonté est forte, ils se découragent peu, affrontent l’adversité climatique, avancent dans la purée de pois ou sous un soleil ardent. Ils anticipent les litres de thé qu’ils boiront à l’arrivée pour se réchauffer. En 2020 ils terminent leur progression au moment où le confinement est annoncé ; l’année suivante les restrictions de circulation demeurent nombreuses. Sylvain Tesson clame son désaccord avec les entraves à la liberté, il affirme ses positions en faveur de l’absence de contraintes. Ce voyage européen le long d’une chaine de montagnes impressionnantes à travers France, Suisse, Autriche, Slovénie et Italie, est l’occasion de découvrir de magnifiques paysages dans cette couleur nimbée et feutrée. L’auteur indique : « la montagne était notre église. Notre épuisement, le soir, après les escalades, la preuve de notre foi. La sensation d’être vivant, au bord d’un gouffre, ne pouvait-elle pas porter le nom de Dieu ? » Poésie et spiritualité ruissellent dans ce texte simple et émouvant. Les trois hommes inventent un acronyme pour caractériser chaque journée le DAF : douleur, angoisse, fatigue ; chaque item est affublé d’une note de zéro à cinq selon la perception individuelle. Ils ont tous les trois un caractère différent et un rôle défini dans l’attelage. Tesson est plutôt dominé mais il ne rechigne pas, il a confiance dans ses partenaires, son handicap physique n'est jamais un frein. L’angoisse est à son acmé lorsqu’ils franchissent des ravins instables, sont emportés dans des avalanches, grimpent des pentes à plus de 45°. La peur est présente, le demi-tour synonyme de sagesse n’est pas abandon mais peut être vécu comme un échec. La réussite du projet malgré quelques aléas est épatante.

Blanc est un texte cristallin et dépouillé. Sylvain Tesson en racontant son épopée alpestre rédige une ode fougueuse à la nature virginale, aux paysages enneigés et isolés, à la littérature et à la liberté. Son récit s’apparente à la littérature de voyage sans tout à fait relever de ce genre, avec l’âge et l’expérience il philosophe et poétise son expérience intime.

Voilà, je vous ai donc parlé de Blanc de Sylvain Tesson paru aux éditions Gallimard.

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