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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

In Absentia

Le nouveau roman fascinant et formidable de Raphaël Jerusalmy

Le nouveau roman fascinant et formidable de Raphaël Jerusalmy

Aujourd’hui je vais évoquer In Absentia nouveau roman de l’éclectique Raphaël Jerusalmy. C’est le cinquième roman de cet auteur que je lis et une fois encore il mêle une fiction à l’Histoire et invente une intrigue originale. Le parcours de cet auteur avec ses vies multiples est fascinant.

In Absentia raconte deux histoires parallèles qui vont finir par se croiser avec la rencontre inopinée des protagonistes principaux. Le récit au centre du roman est insoutenable, épouvantable, suffocant. L’action principale se déroule en 1944 à Strasbourg dans le camp nazi du Struthof. Dans le premier chapitre du roman Pierre Delmain est à Paris quelques années après et dans une galerie d’art il achète un tableau. Moment de réminiscence de sa situation pendant la guerre. Il est romancier et communiste et a été interné dans le camp et étrangement protégé par des dignitaires du régime. Son travail a consisté à donner la mort à des dizaines de juifs emprisonnés sous le commandement de médecins qui cherchaient réaliser des expérimentations sacrificielles. Il a vu passer des corps décharnés et meurtris. Entre ses mains douces ces anonymes ont perdu la vie, étranglés et parfois trépanés. Pendant ces instants Pierre s’absente de lui-même il se dissocie, rêve et s’écarte de son corps et des actes qu’il fait. Ses pensées s’évadent pour l’éloigner de ses actes et de la réalité de la mort qu’il octroie sous contrainte. La description de ces séances est insoutenable, le lecteur suffoque, ahuri par ce qu’il découvre, la douleur affleure. La prose ciselée et contondante de Jerusalmy est efficace. Avant la guerre à Paris Saül Bernstein est un collectionneur d’art frivole, homosexuel assumé (son jeune amant fuira en Italie face à la menace nazie), adepte de drogues. Il ne croit pas à la menace qui pèse sur lui, la beauté et l’art semblent insurpassables. Il ne fuit pas outre-Atlantique comme moult juifs privilégiés. Pourtant son statut de juif finit par le rattraper, il est déporté à Auschwitz puis renvoyé au Struthof en France, où il débarque dans les derniers jours avant la fin des hostilités avec plus de quatre-vingts autres déportés d’infortune. Saül est « accueilli » par Pierre qui l’accompagne et échange quelques mots en français d’une indicible douceur. Le souvenir de cette rencontre hante toute la vie de l’écrivain qui à son retour à Paris ne dit rien de ce qu’il a fait et de ce qu’il a vécu. La culpabilité le hante, sa vie intime est détruite par ce passé tragique. Dans In Absentia le style varie selon les personnages, l’emploi systématique du « tu » distant pour évoquer la souffrance de Pierre est très fort. Le roman est court mais percutant, c’est un véritable coup au cœur, une étonnante mise en scène de l’odieux.

In Absentia est poignant et dérangeant. Raphaël Jerusalmy à travers son intrigue interroge la part humaine de chaque homme dans les pires circonstances (ici l’environnement nazi et son programme d’extermination) et son écriture est une véritable réussite, le style est comme une respiration douce dans cette stupeur insoutenable.

Voilà, je vous ai donc parlé d’In Absentia de Raphaël Jerusalmy paru aux éditions Actes Sud.

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