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27 Avril 2022
Aujourd’hui je vais évoquer Devenir révolutionnaire essai sociologique de Colin Robineau. Le sous-titre est Sociologie de l’engagement autonome. L’auteur a exploré le milieu autonome français qui regroupe quelques milliers de personnes.
Devenir révolutionnaire ce sont une vingtaine d’histoires de vie rassemblées, des parcours individuels qui par le truchement de la sociologie deviennent paradigmatiques. L’auteur a mené son enquête principalement de 2013 à 2015 au sein de La Kuizine, un groupement associatif aux marges du milieu autonome d’ultra-gauche sis dans le vingtième arrondissement de Paris. Le sociologue explique sa méthode d’enquête et indique que le temps long est nécessaire pour établir une certaine confiance et pénétrer ces milieux assez fermés et hostiles aux recherches sociologiques. Son travail est passionnant, les entretiens réalisés permettent de recomposer des parcours de vie et de mettre en exergue des sortes d’invariants explicatifs. L’ouvrage est divisé en deux parties : les origines de la révolte et l’engagement. Cette approche bio-chronologique est très pertinente. Colin Robineau s’intéresse d’abord à l’histoire familiale de ses sujets et met l’accent sur les processus de socialisation, d’abord au sein de la famille proche et élargie puis à l’école et au collège. Il est très intéressant de constater les ressemblances sociologiques de la plupart de ces militants d’âge différents mais aux origines assez proches dans l’ensemble. L’importance de l’imprégnation familiale est incontestable, on pourrait dire que n’importe qui ne devient pas révolutionnaire, un terreau favorable doit être présent. Le rôle de la petite enfance et de l’entourage familial scolaire et amical est indéniable. Sur ces bases et au gré de rencontres et d’événements sociaux (grèves, manifestations contre certains projets emblématiques) l’amorce se développe et les protagonistes s’engagent. C’est souvent au lycée ou à la fac que le processus s’enclenche attisé par un fait provoquant l’indignation. Devenir révolutionnaire est une immersion dans un monde de militance, de lutte, de squat et de marginalité. Les convictions politiques portent les engagements moraux et étayent la volonté de s’écarter de la norme et d’abandonner les études ou le travail au profit de luttes extrêmes où la communauté et le petit groupe priment sur les valeurs normées. Les témoignages recueillis sont très éclairants, ces parcours sont mis en résonnance les uns avec les autres et permettent de comprendre ce qui peut conduire à ce type d’engagement. Les portraits sont sensibles, la confiance avec le sociologue est établie et permet de se livrer sans trop de censure. Il appert que l’appartenance aux autonomes est souvent une étape dans un parcours, l’âge aidant la vie au sein de ces groupuscules dans les squats est moins dominante, les intéressés tout en gardant leurs convictions adoptent des modes d’expression et de lutte différents. L’approche revendicative et agonistique est plutôt une caractéristique des éléments les plus jeunes de la mouvance.
Devenir révolutionnaire est un ouvrage très intéressant ; il ne s’agit pas pour l’auteur de porter de jugement sur ces engagements politiques à l’extrême-gauche (il précise d’ailleurs être assez proche des idées défendues par les mouvements autonomes) mais d’analyser les fondements sociologiques de cette adhésion politique fortement ancrée chez les enquêtés.
Voilà, je vous ai donc parlé de Devenir révolutionnaire de Colin Robineau paru aux éditions de la Découverte.