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25 Octobre 2021
Aujourd’hui je vais évoquer Vide sanitaire récit autobiographique de François Durif. C’est le premier livre de l’auteur qui a une cinquantaine d’années, a été assistant auprès de l’artiste Thomas Hirschhorn, puis croque-mort dans la société L’Autre Rive et enfin organisateur de promenades dans les cimetières. Il est pédé, a traversé les années sida, il évoque dans quelques pages sages ses expériences sexuelles ; ces éléments biographiques sont liés à cette œuvre iconoclaste et originale.
Le titre Vide sanitaire est une expression qui revient à plusieurs reprises dans le récit à travers diverses acceptions. Le texte est une promenade imaginaire, une déambulation dans le monde de la mort. Le propos n’est pas morbide ou sombre, François Durif dans cet exercice d’autofiction impudique se balade entre art et littérature. Il débute en évoquant son bilan de compétences réalisé avec Mme Consenza. C’est elle qui lui suggère de suivre une formation dans le domaine funéraire. Pendant plusieurs années il travaille comme croque-mort et organisateur d’obsèques. Il rapporte des anecdotes et raconte son quotidien comme soutien de ceux qui sont affligés de chagrin. Sans préavis il faut décider entre inhumation et crémation, cérémonie religieuse ou laïque, fleurs ou pas. Le rôle de l’auteur est de conseiller les clients. C’est à cette occasion qu’il arpente le Père-Lachaise et d’autres cimetières. Dans son récit il écrit se tutoyant : « pendant cette virée au Père-Lachaise, tu voudrais être le plus sincère possible, sans pour autant donner le sentiment de tout déballer. En embarquant cette petite assemblée venue t’écouter, tu n’as pas l’intention d’arranger la réalité, plutôt l’envie de laisser sourdre les forces contraires qui te traversent. » La déambulation littéraire, sous l’égide d’œuvres connues ou confidentielles, rassemble une poignée de visiteurs qui écoutent attentivement la narration de François Durif. L’homme est profondément humain et attachant ; il n’a pas un ego démesuré, il accepte son sort et met plusieurs années avant d’écrire et de publier Vide sanitaire. Son expérience professionnelle d’employé de pompes funèbres est au cœur de son récit où il raconte les rites funéraires contemporains, les douleurs et les tracasseries. Dans son rôle d’accompagnateur il se révèle proche des familles, il les conseille et les épaule dans les démarches administratives, les met en confiance et noue de ténus liens éphémères. François Durif est un maitre de cérémonie attentionné qui fait preuve d’empathie dans ces moments singuliers. Son contact avec la mort le réconcilie avec la vie. Après quelques années il décide d’abandonner cette profession et revient vers l’art. Le ton de Vide sanitaire évolue au fil des chapitres mais l’auteur interpelle le lecteur avec une forte oralité. Au fil de la lecture c’est comme si la progression du récit suivait un parcours sinueux à l’intérieur du cimetière.
Vide sanitaire est un récit surprenant et envoutant. L’omniprésence de la mort n’est pas lugubre, l’artiste réussit une formidable performance en digressant pour construire un texte fort et cohérent.
Voilà, je vous ai donc parlé de Vide sanitaire de François Durif paru aux éditions Verticales.