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3 Septembre 2021
Aujourd’hui je vais évoquer Fenua de Patrick Deville. Ce nouveau roman s’inscrit dans son projet démesuré intitulé Le projet Abracadabra. Il s’agit du huitième tome de cette enquête littéraire avec ce style caractéristique et cette façon digressive de raconter une histoire géographique sur un siècle et demi. Fenua ce sont les îles polynésiennes. Après Taba-Taba et Amazonial’auteur embarque à destination des antipodes.
Comme toujours Patrick Deville s’inscrit dans un dispositif littéraire complexe et répond aux contraintes qu’il se fixe. Le récit débute à la fin du dix-neuvième siècle et propose une circumnavigation chronologique jusqu’à aujourd’hui portée par de multiples ouvrages qui accompagnent son périple. Pour rédiger Fenua il s’installe dans une cabane début 2020 sur une colline près de Papeete sur l’île de Tahiti. Cet opus est donc une exploration littéraire, picturale et aventurière de l’immense zone de l’océan Pacifique. Il suit les traces de poètes, de peintres, d’écrivains, de savants et d’aventuriers. Parmi les guides principaux se trouvent pour les plus connus Paul Gauguin, Pierre Loti, Victor Segalen, Herman Melville, Robert Louis Stevenson. L’intérêt de suivre Deville est de découvrir bien d’autres personnages puisqu’il déniche des pépites et met en lumière des trésors oubliés. Ses romans sont souvent des ouvertures vers d’autres auteurs ; la bibliographie de fin d’ouvrage permet de piocher dans cette liste roborative. Il arpente les archipels sur les traces de Gauguin et des autres ; il va jusqu’aux Marquises et aux îles Gambier. Il indique que ces terres isolées sont visitées au moins une fois tous les deux ans par les vaisseaux de la Marine Nationale. Le portrait de l’immense région est précis, il raconte les couleurs, les ciels, la lumière, les montagnes et les récifs. L’auteur lit énormément il se rend sur place, confronte sa vision à ce qu’en ont dit ou peint ses prédécesseurs. La sonorité des noms des îles polynésiennes est une invitation à l’évasion. Mine de rien Patrick Deville distille des dizaines d’informations historiques peu connues ; ainsi il raconte que l’île de Pâques aurait pu être française, il évoque l’utilisation de Bora-Bora par les américains, il s’intéresse au rapport politique entre le Pays et Paris, il relate le tournage de films hollywoodiens dans le coin, il mentionne les essais nucléaires sur l’atoll de Mururoa. Avec Fenua Patrick Deville tisse des ponts avec ses ouvrages précédents dont l’action se déroulait en Asie, en Afrique ou en Amérique latine. Il revient à son enfance dans le Lazaret de Mindin. Mais jamais ces répétitions ne sont déplacées, au contraire une cohérence globale se fait jour.
Fenua est une ode au voyage et au dépaysement. Patrick Deville est fidèle à son projet il construit cette œuvre monumentale qui ne relève pas exactement du récit de voyage même s’il apparait dans la narration. Il arpente les mers du sud, vogue d’île en atoll et met en exergue les lieux et les populations qu’il côtoie toujours étayé par des récits antérieurs.
Voilà, je vous ai donc parlé de Fenua de Patrick Deville paru aux éditions du Seuil.
Présentation de l'ouvrage
Interview avec Patrick Deville
Chronique sur le précédent livre de Deville