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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Mes animaux sauvages

Un journal sexuel de 1977 à 1996 à San Francisco

Un journal sexuel de 1977 à 1996 à San Francisco

Aujourd’hui je vais évoquer Mes animaux sauvages journal romancé de Kevin Bentley. Le livre est sous-titré Journaux de Polk Street et d’après. De 1977 à 1996 l’auteur avec plus ou moins de régularité tient le journal de ses rencontres, ses aventures sexuelles et aussi de ses relations stables. L’action se déroule dans la ville de San Francisco essentiellement dans le quartier de Castro où se rassemblent les homosexuels.

Mes animaux sauvages est un journal cru et sexuel. Mais c’est également un témoignage d’une époque en partie révolue. Au milieu de ces décennies l’apparition et l’apogée de l’épidémie de sida se lit en filigrane. Le narrateur Kevin débarque à San Francisco alors qu’il a tout juste vingt ans. Il est d’une beauté subjuguante et découvre avec enthousiasme le papillonnage sexuel. Il passe d’un partenaire à l’autre sans s’attacher. Il raconte ses activités professionnelles, il travaille dans une librairie du quartier, ses sorties, ses rencontres et ses frasques et délires sexuels. Dans ses journaux, chaque année il décrit ses aventures et constitue un catalogue où il énumère ses plans et établit des portraits réalistes de ces coups d’un soir. Progressivement Kevin tout en continuant à batifoler et s’amuser fait des rencontres plus importantes et noue des relations sentimentales durables. Au fil des chapitres le lecteur découvre les bars, les saunas et les lieux de socialisation homosexuels de San Francisco. En fonction des périodes le diariste est plus ou moins assidu. Le principe de ce journal est la recension des expériences sexuelles rapportées avec moult détails intimes. Le récit est impudique, parfois clinique, les mensurations et les pratiques sont au centre de ces pages au risque parfois d’une sensation de trop plein. Kevin Bentley ne parle pas frontalement du sida, pourtant force est de constater que cette maladie est un protagoniste central de Mes animaux sauvages. L’auteur est devenu amoureux d’un garçon qu’il accompagne vers la mort. Lui-même est contaminé mais ne développe pas la maladie ; il traverse ces années avec abnégation. Il écrit : « comme je suis asymptomatique à long terme, j’ai le luxe de pouvoir quasi oublier mon statut VIH. Mis à part que je ne peux pas éjaculer à l’intérieur de quelqu’un, je n’y pense pas. » A propos du rôle du journal intime il s’interroge : « ces pages ne sont-elles pas censées être l’endroit vers lequel je me tourne pour ne pas virer suicidaire, le lieu où je dépose la vérité de mon existence, avant de me relaxer en croyant la vivre. » Voici quelques extraits qui montrent le style et le propos de l’ouvrage. Ces passages évoquent différentes personnes : « après une sieste rapide, je me suis réveillé et branlé en lui suçant la queue et, lorsqu’il a fini par m’inonder la bouche avec une seconde décharge amère, j’ai juté tellement fort que je me suis éclaboussé le menton en arrosant la tête de lit en chêne. (...). Depuis quelques semaines je vois Jim, trente-quatre ans, un sosie de Burt Reynolds à barbe argentée qui adore fumer de l’herbe, boire et prendre de l’acide. Il fait le macho, mais au pieu il ne demande qu’une chose : que je le saute. (...). On s’est réveillés excités à 5 heures du matin, je l’ai baisé encore une fois, puis il m’a enfilé et bourré jusqu’à ce que je n’en puisse plus : j’ai fini par le sucer et il a joui. (...). Il s’est très vite débarrassé de ses fringues et jeté sur le lit, offert. Grosse envie de nous sucer. Après avoir l’un et l’autre plusieurs fois frôlé l’orgasme, Matt a décidé que je pouvais le baiser. J’ai déroulé une capote et enduit son cul de gel. » Mes animaux sauvages évoquent Tricks de Renaud Camus ou plus récemment Le journal sexuel d’un garçon d’aujourd’hui d’Arthur Dreyfus. Ces ouvrages sans filtre témoignent de la vie sexuelle et sentimentale de leurs auteurs. Force est de constater que d’une époque à l’autre les pratiques sont assez similaires, la drogue est omniprésente, ce qui change c’est le contexte social, l’acceptabilité de l’homosexualité et bien entendu l’émergence de sida qui met fin à la parenthèse enchantée des quelques années de liberté sexuelle sans menace pandémique.

Mes animaux sauvages est une virée jubilatoire et tragique, drôle et libertaire dans le San Francisco débridé de la fin du vingtième siècle où le sexe est roi et s’impose, où chacun baise à tout va avec de multiples partenaires avant que le sida ne fasse des ravages parmi les homosexuels imprudents et jouisseurs.

Voilà, je vous ai donc parlé de Mes animaux sauvages de Kevin Bentley paru aux éditions Philippe Rey.

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