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18 Mai 2021
Aujourd’hui je vais évoquer Les sirènes du Pacifique roman sensible de Cédric Morgan. Cet auteur breton a notamment publié L’enfant perdu. Avec son nouvel opus il raconte l’histoire d’une femme japonaise qui traverse le vingtième siècle.
Les sirènes du Pacifique est la narration douce et poétique de plusieurs décennies de la vie de Yumi, jeune fille qui comme sa mère devient plongeuse en apnée pour pêcher des ormeaux, des oursins et des coquillages. Elle vit à Toshijima, une petite île nippone. L’auteur décrit l’environnement de cet endroit bercé par la houle et le vent : « dans une île tous les chemins mènent à la mer. Sa présence à Toshijima, se constatait partout. Son ressac au creux des bois, loin des rivages. Le raclement des vagues sur les galets, le frottement des sables au fond des baies gravissaient les pentes, dévalaient les vallons et s’entendaient des sommets au rizières en contrebas. » Yumi est née avant la seconde guerre mondiale dans les années 1920, elle vit dans une société encore très traditionnelle. Comme d’autres filles de Toshijima elle exerce le dur métier de ama que les hommes leur laissent volontiers. Les conditions sont éprouvantes, il faut plonger souvent et profondément afin d’espérer une collecte suffisante pour nourrir la famille et gagner assez d’argent. Le narrateur constate que : « la pêche en apnée comporte de nombreux dangers ; depuis toujours les ama payaient un lourd tribut à leur métier. » L’île de Toshijima est éloignée des métropoles et de l’actualité belliqueuse. Pendant la guerre des hommes partent régulièrement, c’est le cas de Ryo le prétendant de Yumi mais les habitants et en particulier les amas poursuivent leurs activités et demeurent à l’écart des affres des combats. Ils ne savent rien des bombes larguées sur Hiroshima et sur la capitulation du pays. Dans le roman, Cédric Morgan évoque avec pudeur ces événements fondateurs de l’histoire du Japon contemporain. A travers le personnage de Yumi et les autres protagonistes il esquisse un tableau impressionniste du quotidien des locaux. Voici la réalité vécue des femmes japonaises à l’époque de la jeunesse de l’héroïne : « dans la quasi-totalité du pays, une fois mariées, les femmes se consacraient à leur foyer. Si elles avaient travaillé auparavant, elles cessaient toute activité à l’extérieur pour se cantonner à la maison – mari, ménage, cuisine, éducation des enfants. » Yumi ne s’inscrit pas dans ce stéréotype sociétal. Certes, elle se marie mais pas avec l’homme dont elle est amoureuse. Elle aura une fille avec son mari. Lors du retour de Ryo, pour pouvoir vivre avec lui elle devra accepter les conditions terribles imposées par son époux : il accepte le divorce sous réserve qu’elle abandonne tout contact avec sa fille. Ce déchirement la tiraille pendant des années jusqu’à ce qu’elle retrouve sa trace sur un campus universitaire. Philosophe elle se dit que : « le bien-être des débuts était sans doute par nature condamné à se métamorphoser en routine, voire en lassitude. Mais la déconvenue n’aboutit pas forcément à la rupture. »
Les sirènes du Pacifique est le portrait d’une femme attachante et émancipée qui va au bout de ses rêves ; c’est également le tableau d’un pays lointain aux traditions séculaires dont l’auteur parvient à rendre l’atmosphère et la singularité en s’appuyant sur ces pêcheuses hors norme.
Voilà, je vous ai donc parlé des Sirènes du Pacifique de Cédric Morgan paru aux éditions Mercure de France.