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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Hervelino

Mathieu Lindon évoque avec affection son ami Hervé Guibert

Mathieu Lindon évoque avec affection son ami Hervé Guibert

Aujourd’hui je vais évoquer Hervelino de Mathieu Lindon. Il est notamment l’auteur du Livre de Jim-Courage et de Prince et Léonardous qui a fait scandale à sa parution. Son nouvel opus est un texte intime, un hommage magnifique à Hervé Guibert qui surnomme Mathieu Lindon mon loup adoré. Ce romancier mort du sida en 1991 ne m’a jamais attiré malgré les dithyrambes que son œuvre a pu susciter.

Hervelino est l’affectueux surnom utilisé par Mathieu Lindon pour évoquer Hervé Guibert son ami, son amour. A son propos il écrit : « il était beau, c’était une évidence, et mon corps ne réclamait pas plus de détails. Ce fut sans souffrance, sans aigreur que je ne couchai jamais avec lui, grâce à son attention et son intelligence, mais aussi parce que notre relation me combla comme elle dut le faire pour lui, comme déjà dit la sexualité m’avait été un moyen plus qu’une fin, jamais sans elle je ne me serais démené pour le connaitre aussi bien. (…). Il était Hervé, sa beauté lui était acquise et, au fond, elle m’était devenue égale puisqu’il était Hervé. Il avait sa propre façon de faire les choses, eh bien aussi d’être beau. » Les cent trente premières pages du bouquin sont le récit mémoriel de leur amitié à travers la narration de leur séjour romain dans l’enceinte de la Villa Médicis. Le style est parfois désagréable avec quelques tournures de phrases lourdes, mais l’essentiel ce sont les sentiments et les fragments de ces instants partagés entre ces deux jeunes hommes homosexuels, cultivés, insouciants et magnifiques. Les ultimes pages sont les dédicaces manuscrites des romans de Guibert à Lindon et quelques notes explicatives. La graphie de Guibert est belle et ronde, les mots sont touchants. Ce sont des pépites intimes, en quelques mots tout est dit de leur solaire relation. Leur histoire commence à l’été 1978 lorsqu’ils se rencontrent chez Michel Foucault. Mathieu tombe amoureux d’Hervé, immédiatement sous le charme de la beauté fulgurante du jeune écrivain. Ils ne seront pas amants mais noueront une indéfectible relation ; ils sont amis pour toujours. Une décennie plus tard ils vont passer presque deux ans ensemble à Rome après avoir réussi à un an d’intervalle le concours d’entrée à l’Académie de France. Durant ces années romaines il n’y a pas un jour sans qu’ils mangent ensemble, le plus souvent à l’extérieur au restaurant. Ce séjour est supposé studieux mais les deux amis sont dilettantes, ils sont comme en vacances. Mathieu Lindon surtout qui contrairement à Hervé n’écrit rien sur place. Il ne cache pas son addiction à l’héroïne et son homosexualité sans doute moins libre que celle de son ami. Il recompose de façon chaotique et déstructurée ces semaines italiennes dont la dolce vita est la composante principale. Pourtant Hervelino vient de découvrir sa séropositivité, la maladie lui laisse peu de répit, son état physique se dégrade rapidement avant sa mort ; il publiera notamment A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, rédigé à Rome. Mathieu est le fils de Jérôme Lindon, éditeur et patron des éditions de Minuit. Il est le lecteur attentif de Guibert dont il corrige les épreuves. Leur intimité et leur confiance réciproque, malgré quelques piques et vannes, est magnifique. Dans les couloirs et les jardins de l’institution romaine les deux garçons croisent divers acolytes (on reconnait dans les pages de ce récit Marie N’Diaye et Jean-Yves Cendrey, Rachid O et quelques autres personnages germanopratins). Mathieu Lindon raconte comment à Paris il n’ose pas aller visiter Hervé à l’hôpital dans ses derniers jours. La mort de son ami le hante encore, des décennies après il s’autorise, au risque de se répéter à l’évoquer et en faire le personnage central de son récit.

Hervelino est un très beau texte d’amour, d’hommage et d’amitié. La relation entre l’auteur et Hervé Guibert perdure par-delà la disparition de ce dernier. Ce qui frappe c’est la tendresse et l’affection réciproque, la confiance et le soutien. Ce récit au ton juste est pudique et sincère. Ce tombeau de mots est un catafalque précieux.

Voilà, je vous ai donc parlé d’Hervelino de Mathieu Lindon paru aux éditions POL.

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