Histoire de la fatigue du Moyen-Âge à nos jours

12 Novembre 2020

Un essai de George Vigarello sur la fatigue

Aujourd’hui je vais évoquer Histoire de la fatigue du Moyen-Âge à nos jours le nouvel essai revigorant de Georges Vigarello. Cet historien poursuit son œuvre avec une approche sociale de l’histoire. Ses thèmes de prédilection touchent au corps et à la santé. Il a notamment publié Le propre et le sale, Histoire de la beauté et Les métamorphoses du gras.

Histoire de la fatigue du Moyen-Âge à nos jours est un ouvrage chronologique divisé en cinq parties portant respectivement sur l’univers médiéval, l’univers moderne, les Lumières, le XIXe siècle et enfin les XXe et XXIe siècles. Les sources sont à la fois littéraires, journalistiques et réglementaires. L’auteur explore les documents disponibles pour élaborer son histoire de ce phénomène dont la définition évolue au fil des époques. Force est de constater l’existence d’une véritable métamorphose de cette notion de fatigue. D’abord exclusivement physique elle devient progressivement également psychique. Bien entendu du Moyen-Âge à aujourd’hui l’espérance de vie et les conditions d’existence et de travail ont beaucoup progressé. Par conséquent, il est normal que les préoccupations vis-à-vis du corps et de sa résistance physique aient été étendues à la prise en compte de l’esprit. La fatigue est nécessairement liée à une activité (physique ou psychique) et le rapport avec le travail est à ce titre évident. Il peut s’agir du travail des champs, à l’usine, dans un atelier ou au bureau. A travers cet ouvrage Vigarello s’intéresse aux guerriers, aux conquérants, aux esclaves, aux ouvriers, aux travailleurs employés et aux sportifs. Chaque catégorie est soumise à une fatigue spécifique objet de tentatives d’objectivation et de quantification. En effet, l’enjeu est de comprendre et de mesurer la fatigue afin de pouvoir la contrôler et d’en minimiser l’impact sociétal. Un ouvrier fatigué, perclus de douleur ou fragile psychologiquement est moins productif et moins rentable que son acolyte en pleine forme et santé. Il est donc important de définir avec précision quelle quantité de travail, quel effort physique est acceptable afin d’éviter l’écroulement. L’historien documente ces évaluations, il cite des exemples dans les mines ou dans l’industrie. La durée du travail, la mise en place de périodes de pause, plus tard les congés payés se révèlent en lien direct avec la fatigue. La prise en compte dans le droit du travail naissant des données chiffrées sur les poids pouvant être portés ou les distances parcourues sont autant d’indices repérables de la scrutation de l’état des travailleurs. Le taylorisme, le fordisme et les théories relatives au travail à la chaine sont analysés à l’aune de la fatigue. Ce terme désuet est désormais négligé au profit de stress, charge mentale et autre burn out. Mais au final il s’agit globalement de la même chose, seule la forme diffère. Certains types de fatigue, par exemple le dépassement de soi des sportifs ou des pèlerins et des croisés mus par leur foi, sont recherchés et valorisés. Parfois même fatigue et souffrance sont associées et érigées en trophée. Dans la postface George Vigarello interroge l’actualité de la pandémie de Covid-19 et l’état de fatigue extrême du personnel soignant. Aujourd’hui la fatigue et la pénibilité du travail doivent être mieux prises en considération.

Histoire de la fatigue du Moyen-Âge à nos jours est un formidable travail qui montre l’invariant sous des formes différentes de la notion de fatigue. Les romanciers naturalistes ont parfaitement sur rendre compte des effets de la fatigue sur les corps exténués et leurs textes sont de formidables témoignages qui étayent cet ouvrage.

Voilà, je vous ai donc parlé d’Histoire de la fatigue du Moyen-Âge à nos jours de Georges Vigarello paru aux éditions du Seuil.