Marcher la vie

David Le Breton invite à marcher pour éprouver le bonheur

Aujourd’hui je vais évoquer Marcher la vie le dernier ouvrage de David Le Breton, sociologue et anthropologue du corps. Le sous-titre est Un art tranquille du bonheur. Cet opus s’inscrit dans la lignée d’Éloge de la marche et de Marcher, un éloge des chemins et de la lenteur publiés précédemment.

David Le Breton est lui-même un marcheur invétéré, son livre s’appuie en partie sur sa propre expérience. Dès les premières lignes il indique que : « tout voyage participe de cette quête d’un lieu où exister se ferait en toute évidence dans une sorte de reconnaissance immédiate et de ravissement. Chacun cherche le lieu de sa renaissance au monde. Une sorte de magnétisme intérieur nous guide, une volonté de chance à saisir en toute confiance. » Il constate que : « dans les années 50 en France, on marchait en moyenne sept kilomètres par jour. Aujourd’hui, à peine trois cents mètres. Nombre de nos contemporains sont encombrés d’un corps dont ils n’ont guère l’usage, sinon pour exécuter quelques tâches dans leur appartement ou pour se rendre à leur voiture et en sortir. » La civilisation de la bagnole a totalement relégué le corps à l’écart ; le monde moderne est celui de la mobilité et de la vitesse. Les exemples sont légion pour illustrer cette mise au ban du corps au quotidien. La marche est synonyme de lenteur et de périmètre de déplacement restreint. Si la marche n’a pas la côte dans la vie quotidienne occidentale (il faut rappeler que sur la planète des millions d’enfants doivent chaque jour marcher sur une longue distance pour aller à l’école), elle est devenue un loisir en vogue depuis plusieurs années. Par le biais des randonnées pédestres la réappropriation du corps est en marche ; ainsi le précepte selon lequel : « on transporte son corps, il ne nous transporte plus » est démenti. David Le Breton dans son petit traité buissonnier et enthousiaste dresse un plaidoyer pour cette pratique physique simple qui ne nécessite quasiment aucun équipement. Marcher contribue à améliorer la santé physique et mentale. Au rythme d’environ quatre kilomètres à l’heure le marcheur est invité à la contemplation ; il a le temps pour admirer les paysages, la nature ou la ville. Mais au-delà de l’aspect physique et de l’effort fourni, marcher est aussi propice à améliorer l’état psychique en favorisant des temps de réflexion. Le marcheur, solitaire ou en groupe, est face à son intériorité, il ressent ses muscles au travail, ses pensées sont tournées vers lui. La quête de spiritualité et de sens à la vie est caractéristique de l’engouement pour le Camino, le fameux chemin de Saint-Jacques qui conduit les pèlerins sur la route de Compostelle. La fréquentation de ces sentiers est en augmentation constante, et ils attirent bien plus que la communauté des seuls catholiques fervents. En chemin, le marcheur est parfois confronté à des désagréments ou des peurs, les chiens agressifs en font partie. L’auteur insiste aussi sur la difficulté à marcher sur de longues distances, le risque de s’égarer (il n’est pas adepte de la géolocalisation constante par GPS), les douleurs, les ampoules au pied, la perte de la motivation face à la souffrance. A travers l’exemple de la réinsertion de jeunes délinquants conviés à marcher plusieurs semaines en liberté les vertus thérapeutiques de la marche sont bien illustrées. Marcher, c’est suivre le rythme du corps, c’est un moment propice à la déconnexion, sans portable. Ce moment devient alors un véritable bonheur. David Le Breton évoque des marcheurs écrivains célèbres qui par leurs œuvres ont vanté les mérites de la marche : Jean-Christophe Rufin, Sylvain Tesson, Bruce Chatwin, Theodore Monod, Jacques Lanzmann ou Bernard Ollivier. Il a cette jolie phrase : « les marcheurs sont ceux par qui naissent par les chemins. »

Marcher la vie est une ode au plaisir de la marche, un éloge des bienfaits et des plaisirs intimes que cette activité peut procurer. Des souvenirs surgissent, chaque marche laisse des traces mnésiques qui peuvent être réactivées ultérieurement. L’auteur partage son expérience et sa passion et incite son lecteur à goûter à ce plaisir minuscule.

Voilà, je vous ai donc parlé de Marcher la vie de David Le Breton paru aux éditions Métailié.