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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Sex friends

Sex friends

Aujourd’hui je vais évoquer Sex friends l’essai stimulant du philosophe Richard Mèmeteau. Le sous-titre est Comment (bien) rater sa vie amoureuse à l’ère numérique. Ce texte léger et profond explore la réalité des rencontres sexuelles et amoureuses médiatisées par internet. A l’époque des applications et des sites de rencontres, les modalités des rencontres, qu’elles soient hétéros, bi ou homosexuelles, ont fortement évolué. L’amour, s’il est toujours un graal représentant l’osmose de deux êtres, n’advient plus (ou rarement) après un regard échangé lors d’un bal, un contact sur le lieu de travail ou une discussion chez des amis communs. La mise en relation se fait par l’intermédiaire de filtres prenant en compte les critères de la recherche. La place de l’improvisation et du hasard devient congrue.

Richard Mèmeteau fait un constat préliminaire : « si les applications de rencontre marchaient vraiment, elles deviendraient vite inutiles. Tous les couples se formeraient et l’univers de la drague en ligne s’effondrerait. Ne resteraient plus que quelques célibataires endurcis, rétifs par nature à toute forme de monogamie exclusive et durable.» Si le succès numérique ne se dément pas, c’est donc que ce qui est recherché par les consommateurs des sites n’est pas la seule mise en place d’une relation unique et définitive. Internet a permis l’émergence du concept de Sex friends que l’on peut définir comme l’ensemble de celles et ceux qui se rencontrent, tissent des liens sociaux et amicaux et établissent un commerce sexuel consenti, sans pour autant se vouer fidélité absolue. Selon l’auteur, force est de constater que : « le caractère discontinu des relations oblige à accepter une certaine cyclicité du désir. On peut fréquenter des plans cul réguliers pendant dix ans, avant qu’une brouille nous éloigne. Avec d’autres on peut se retrouver une fois par an. Certains restent des amis. On se perd de vue et on se rabiboche. Ce sont des histoires en pointillé.» L’ouvrage mélange les perspectives : statistiques, sociologie et philosophie étayent les propos et l’auteur n’hésite pas à utiliser sa propre expérience pour argumenter ses thèses. Homosexuel, il est lui-même adepte non compulsif des rencontres furtives favorisées par le web. Pour lui : « certains croient que l’amour est une quantité qui ne peut pas se partager sans se perdre, pas comme un gâteau. Les salopes éthiques croient au contraire en la nature intensive et dynamique de la libido : plus on s’en sert, plus on en a.» Il est plutôt du côté de ces dernières et goûte avec délectation aux plaisirs sexuels multiples. Il développe cependant un concept qui tient en trois lettres, EMU : exclusif, monogame et ultime. Les relations d’un nouveau genre avec des sex friends ne répond pas nécessairement à cet acronyme. Mèmeteau utilise sa connaissance des différents sites et leur fréquentation pour établir le constat suivant : « les niches sexuelles sont l’unité de base de la drague en ligne – certaines applications se sont même spécialisées sur des « tribus » particulières. Pour le plaisir de l’éclectisme post-moderne, voici un petit florilège : Notre-Dame-Des-Rencontres.com, InchAllah.com, MetalHeart.fr, RencontresRasta.com, Amours-Bio.com, Rencontre-Toutou.fr, RencontresMilitaires.fr, EntreUniformes.com, Amour-Professeur.com, RichMeetsBeautiful.com, CougarPourMoi.com, PlatonicPartners.org, Rencontre-Macho. Com, Rencontre-Moche.com, SourdAmour.com…» Tout un programme, afin que chacun dans son domaine de prédilection puisse trouver satisfaction. L’auteur dans une intéressante perspective historique insiste sur la notion d’écosystème sexuel. Il revient sur l’épidémie de sida et sur l’impact sur les comportements avec notamment le développement d’associations et de mouvements de revendication tels qu’Act Up. Incontestablement, cette maladie avec la stigmatisation concomitante des malades a eu un impact sur la nature des échanges sexuels et sur la prolifération des sex friends. A aucun moment le livre n’est moralisateur, l’auteur confesse ainsi : « j’ai conscience de tirer sur l’ambulance. L’Amour a certes ses fanatiques pour qui chaque embrassade est conçue comme le préliminaire d’une demande en mariage. Mais il n’est pas sûr que ces partisans de l’amour survivent à leur propre auto réfutation tant leur réinterprétation du monde est absurde. (…). En amour, aujourd’hui on a le droit d’être athée.» Le philosophe ne fait aucun prosélytisme, il observe l’évolution sociétale et apporte sa contribution à la réflexion sur les nouveaux modes de relations. En guise de conclusion il se demande : « comment, donc, bien rater sa vie amoureuse ? En soignant sa vie sexuelle, ce qui implique de commencer par reconnaitre à la fois que toute sexualité n’implique pas l’amour et que toute amitié n’exclut pas le sexe. » Cette morale ne convient peut-être pas à tous mais c’est le point de vue qu’il défend dans cet essai drôle, sérieux et frivole.

Voilà, je vous ai donc parlé de Sex friends de Richard Mèmeteau paru aux éditions Zones.

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