Quand les profs aiment les élèves

4 Novembre 2019

Un essai sur la relation pédagogique

Aujourd’hui je vais évoquer Quand les profs aiment les élèves de Mael Virat. Le sous-titre de cet essai est Psychologie de la relation éducative. L’auteur propose une synthèse de nombreux travaux de psychologie afin de mettre en exergue le bienfait dans les processus d’apprentissage des liens affectifs bienveillants entre les élèves et les enseignants.Les travaux présentés sont issus de psychologie du développement, différentielle et sociale.

Dès le début de l’ouvrage Mael Virat explique qu’: « il y a en France un tabou culturel autour de l’engagement affectif des enseignants. La relation affective enseignant-élève entraîne une certaine méfiance et les enseignants, qui parfois sont très impliqués, ne peuvent pas s’exprimer ouvertement sur le sujet. » L’ancien professeur devenu spécialiste des relations éducatives s’emploie à déconstruire, preuves expérimentales à l’appui, ce tabou. Ses propres recherches sont étayées sur des études et des méta analyses issues de la littérature psychologique internationale. Plusieurs modèles pédagogiques, dont les fondements sont culturels et sociaux, régissent les rapports entre les élèves et leurs professeurs. Deux grandes approches sont en lice : une vision instructionniste, traditionnellement plébiscitée par l’Éducation Nationale, où le professeur doit transmettre un savoir et une perspective constructiviste où la relation éducative est prépondérante, les liens affectifs sont assumés et développés. Selon l’auteur les résultats sont sans ambiguïté : « les élèves dont les enseignants souscrivent à des conceptions constructivistes réussissent mieux les tests que ceux dont les enseignants ont une conception plus instructionniste. » Afin d’insister sur l’importance du critère relationnel il déduit des recherches analysées que : « la qualité des relations entre les enseignants et les élèves apparaît comme le onzième facteur sur les 138 classés par ordre d’importance pour comprendre la réussite scolaire. » Un tel constat montre l’importance du lien relationnel construit entre l’enseignant et ses élèves. Néanmoins, en France, contrairement à d’autres pays, ceci est peu accepté et valorisé. L’attachement affectif du professeur pour ses élèves est suspect. Une explication possible à ce constat tient au peu d’enseignement de psychologie inclus dans le cursus des futurs enseignants. Ils ne connaissent souvent pas les processus d’apprentissage, les facteurs favorables, les phases de développement de l’enfant et de l’adolescent. Les recherches mettent en exergue l’existence de corrélations à partir desquelles il est possible de déduire d’éventuelles causalités. Ainsi, force est d’admettre qu’une approche pédagogique incluant et acceptant des liens affectifs contribue à améliorer l’acquisition des connaissances. L’auteur développe en particulier le concept d’amour compassionnel, altruiste et désintéressé, qui est au centre de ses démonstrations en faveur de cette forme de relation pour favoriser les apprentissages des enfants. Il explique que : « l’engagement affectif des enseignants, évalué à travers leur amour compassionnel, est un facteur important de la qualité des relations avec les élèves. (…). L’amour compassionnel des enseignants pour leurs élèves favorise, à travers l’établissement de relations affectives de qualité, leur engagement et réussite scolaire, mais également leur développement social en dehors de la classe. (…). Les relations chaleureuses entre enseignants et élèves sont un facteur d’implication et de réussite scolaire, aussi bien dans le primaire que dans le secondaire. Ces relations affectives ont également des effets positifs sur le développement psychosocial des enfants. » Les bénéfices sont donc multiples pour les deux parties. Mael Virat indique que la relation enseignant-élève s’inscrit plus largement au sein d’autres relations interpersonnelles notamment vis-à-vis des collègues et des supérieurs hiérarchiques. Il précise que : « meilleures sont les relations entre les chefs d’établissement et les enseignants, meilleures sont les relations entre les enseignants et leurs élèves. » Les professeurs qui développent l’amour compassionnel sont souvent inquiets que leur professionnalisme soit remis en cause. Pourtant Mael Virat affirme qu’: « il convient aussi de conclure au-delà des idées reçues, que l’investissement affectif des enseignants est lui-même facteur de professionnalisme. La dimension affective de la relation enseignant-élève n’a alors plus rien qui soit intrinsèquement opposé à la nécessité d’être professionnel. » Il ajoute que : « l’engagement affectif de l’enseignant ne dépend pas uniquement de caractéristiques individuelles : la situation professionnelle dans laquelle l’enseignant se trouve l’influence également. (…). L’aspect relationnel et affectif de l’enseignement profite donc tout autant aux élèves qu’aux enseignants. » Les propositions de cet essai sont cohérentes mais attaquent le système éducatif dominant en France. Selon le psychologue le mode de pensée doit évoluer afin d’admettre l’importance de l’amour compassionnel des professeurs pour leurs élèves car : « pour grandir, pour progresser, pour explorer et découvrir, pour surmonter les obstacles ou les épreuves, pour tout ce qui fait que l’on se sent vivant, être aimé apparaît indispensable. »

Quand les profs aiment les élèves est un titre provocateur et un ouvrage stimulant. La conclusion, à l’opposé de certaines pratiques restrictives en vigueur à l’école en France, indique que la relation affective entre les élèves et les professeurs est bénéfique aux apprentissages scolaires, contribue à l’instauration au sein de la classe d’un climat social positif et aide les enfants pour leur développement psychosocial en dehors du temps scolaire. A travers cet ouvrage il faut souhaiter que la diffusion des résultats des études psychologiques permette à chacun de s’approprier les conclusions et de modifier son rapport à ladite relation affective.

Voilà, je vous ai donc parlé de Quand les profs aiment les élèves de Mael Virat paru aux éditions Odile Jacob.