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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Aux origines des rites funéraires

Le triptyque associé à la mort

Le triptyque associé à la mort

Aujourd’hui je vais évoquer Aux origines des rites funéraires d’Éric Crubézy. Le sous-titre de cet essai roboratif est Voir, cacher, sacraliser. En préambule, l’auteur indique qu’il « réfléchit sur les raisons des trois étapes qu’on retrouve dans tous les rites funéraires humains, à savoir : voir, cacher et sacraliser. » Ces trois temps relatifs à la mort humaine constituent la base des rites funéraires analysés dans leurs diversités. L’ouvrage est pluridisciplinaire puisqu’il convoque à la fois l’archéologie, la médecine, l’histoire et l’anthropologie. 

Dès l’introduction, l’auteur explique qu’il est possible d’affirmer que trois temps constituent des invariants concernant les morts humains. Ce leitmotiv ternaire est au centre de la démonstration de l’existence de formes constantes dans les rites funéraires humains quelle que soit la forme prise par le rite. Ceux-ci existent depuis des millénaires ; cependant les traces tangibles ne sont pas toujours évidentes à mettre en exergue. L’archéologie et les découvertes associées peuvent être sujettes à interprétation faute de documentation et d’archive disponibles pour comprendre le déroulement précis des cérémonies funéraires. Pourtant, force est d’admettre que les sociétés humaines manifestent un respect et une prise en charge vis-à-vis des morts constants. La présentation de multiples rites funéraires, malgré leur incontestable diversité, met en évidence des points communs qui constituent le socle minimal définissant les différentes étapes desdits rites. Éric Crubézy participe régulièrement à des fouilles de tombes sibériennes et il nourrit sa réflexion théorique du résultat de ses recherches de terrain. Il présente également dans l’ouvrage des rites européens contemporains, d’autres issus de Sulawesi, du Cameroun ou de Madagascar. Le panorama présenté offre une perspective intéressante sur la pluralité des rites funéraires existants.

Force est de constater que la trilogie proposée (voir, cacher et sacraliser) est pertinente. En effet, dans un premier temps le mort doit être vu par ses proches et intimes afin de constater le décès,  c’est-à-dire la perte de la vie terrestre. A ce stade, l’exposition n’est pas rare pouvant donner lieu à un ultime hommage rendu au mort récent. Mais le mort, encore humain à cette étape, doit changer de statut et devenir un défunt autour duquel s’actualise le processus de deuil. En effet, du cadavre au défunt tout un processus, plus ou moins ritualisé existe. Le traitement des corps morts est pensé et est lui-même ritualisé. Ainsi, la toilette mortuaire et la préparation du corps, préalables à toute exposition, suivent des prescriptions codifiées selon les cultures. Le recours à des concepts psychologiques révèle l’importance de ce travail de deuil afin de continuer à vivre en présence des défunts. Afin de cacher le corps mort menacé de décomposition les deux principales modalités sont l’enterrement et la crémation. Crubézy évoque également des pratiques de cannibalisme peu fréquentes mais dont la signification symbolique est assimilable aux précédentes. Dans un cas comme dans l’autre ce sont les restes qui pourront ensuite être sacralisés. Ainsi, le défunt accède au souvenir, à la mémoire des vivants ou devient le vecteur pour acquérir le statut d’ancêtre.

Aux origines des rites funéraires s’intéresse à des questions aujourd’hui perçues comme taboues dans la société française. Il faut rappeler que la mort est l’objet de législation, il n’est pas possible de disposer des restes des morts à sa convenance. Ainsi la question des cimetières, de leur localisation et de la disponibilité suffisante du foncier est abordée. De tout temps il faut se soucier de la place allouée aux morts dans la cité ; ainsi dans les catacombes, les os étaient régulièrement rassemblés et composaient des dépôts communs. Il en va de même avec les cendres qui sont dispersées selon des rituels établis.

Aux origines des rites funéraires est un ouvrage passionnant qui établit de nombreux liens entre époques et cultures pour mettre en évidence l’existence des rites funéraires et leurs lois. La lecture peut se révéler troublante, néanmoins l’essai est didactique et accessible. Sur le même thème Le travail des morts de Thomas Laqueur et L’archipel des morts de Jean-Didier Urbain sont des ouvrages complémentaires très intéressants.

Voilà, je vous ai donc parlé d’Aux origines des rites funéraires d’Éric Crubézy paru aux éditions Odile Jacob.

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