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12 Septembre 2019
Aujourd’hui je vais évoquer La diagonale du vide de Pierre Péju l’auteur notamment de La petite Chartreuse et du Rire de l’ogre. Le titre La diagonale du vide évoque un concept géographique et décrit une frange de la France particulièrement peu peuplée s’étendant du sud-ouest au nord-est, une bande à l’urbanisation restreinte. Son roman se déroule dans ces contrées ou à leur lisière de nos jours.
Le narrateur, Marc Travenne, décide de prendre du recul et de changer de vie. Il commence ainsi son récit : « je me souviens, cette année-là, au milieu de l’hiver, debout derrière la baie vitrée de la salle d’embarquement, les yeux noyés dans une aurore verte et rose où un avion décollait toutes les minutes, j’ai décidé de tout arrêter. Ne plus bouger. Ne plus partir. Surtout ne plus parler. Trouver au plus vite un endroit retiré. Avec du silence. De la lenteur. Peut-être un brin de tristesse. De préférence dans une région sauvage. » C’est en Ardèche qu’il trouve refuge après avoir abandonné sa famille et ses affaires. Cet entrepreneur prospère travaillait dans la conception et la commercialisation d’emballages avec son comparse Mathieu Wolf. Ce dernier est mort récemment et le deuil semble douloureux et presque impossible pour son associé, son presque frère. Alors qu’il doit monter à bord d’un énième vol long courrier Marc décide donc de partir, de s’enfuir de l’aéroport parisien et de rouler en voiture cap au sud. Il s’arrête sur un plateau ardéchois isolé et s’installe dans une auberge où transitent de nombreux randonneurs à la recherche de nature, de calme et d’isolement. Marc marche et se repose, médite et observe ses congénères. La solitude et le silence le comblent en ces premiers jours de mise à l’écart du monde moderne et de ses trépidations.
Dans le gite, un soir, il croise une femme seule qui fait escale ici avant de reprendre la route harnachée de son sac à dos dès le lendemain matin. Une brève discussion entre eux s’engage, quelques mots sont échangés qui ordonnent le mystère. Marc comprend qu’elle marche pour répondre à l’injonction d’un homme, son probable amant, qui lui a ordonné pour d’obscures raisons de traverser la France à pied, à l’écart des populations locales. Cette jolie randonneuse discrète intrigue Marc qui se lance à sa recherche et poursuit sa trace. A partir de quelques maigres indices il suppose la direction qu’elle a pu prendre. Il monte dans sa voiture et rejoint le GR où il compte croiser son chemin. Il rencontre le tenancier d’un bar perdu installé à côté d’une station service désaffectée. Les lieux sont effectivement à l’abandon et peuplés de quelques ombres évanescentes. Marc s’engage sur le chemin et repère celle qu’il cherche. La jeune femme se blesse à la cheville, elle révèle une identité aux secours qui ne correspond pas au prénom utilisé la veille. La marcheuse victime d’une chute accepte à contrecœur l’aide de Marc qui s’occupe d’elle et la transporte à l’hôpital. Marion Keller est militaire, elle parle un peu à son sauveur. Entre eux se noue une relation assez étrange, la femme est sous l’évidente influence du commandant Francis, son gourou handicapé. Elle raconte comment cet homme l’a enrôlée, ce qu’il représente pour elle et l’amour qu’elle lui voue. Marc écoute, attentif ; il se contente des rares mots qu’elle accepte de dire. Pourtant, face à la froideur et au mystère de Marion il préfère abandonner son entreprise de séduction d’autant qu’il perçoit des menaces diffuses sur lui. La traque continue néanmoins, celui qui aspire à devenir une sorte d’anachorète moderne en Ardèche, veut comprendre le comportement de cette femme, probable agent des services secrets. Il se déplace dans le nord-est du pays au Centre Général Mongeot où vit Francis, cet éclopé tétraplégique rescapé de la guerre en Afghanistan et où est internée Marion. Cet homme dur l’oblige à raconter à Marc ce qui s’est passé, comment elle a provoqué sa mort physique en désobéissant aux ordres par sentimentalisme. Cette confession publique est éprouvante pour chacun et ne peut s’achever que par un drame.
Lors de sa mise en retrait du monde, Marc croise également Irène une femme avec laquelle il a eu une aventure des années auparavant. Après avoir vécu à New-York elle revient en France. Elle est atteinte d’un cancer et va bientôt mourir. Mais d’abord elle informe Marc qu’il est le père de son fils, Luc. Cette paternité imposée est un fardeau inattendu supplémentaire pour lui. Il est dans cette phase de sa vie entouré de plusieurs morts dont la mémoire le hante, tandis que sa vieille mère lui demande de l’emmener dans son village d’enfance afin d’y retrouver des souvenirs.
La diagonale du vide est un roman sensuel et libre. Les personnages secondaires sont tous intéressants. La mort rôde autour de Marc Travenne le protagoniste. Sa volonté de rupture avec sa vie et le monde contemporain le conduit à découvrir d’autres facettes sombres de l’existence. Il croise des solitudes tristes. Au moment où il aspire au répit et au repos, ces rencontres ne lui apportent pas la sérénité et la tranquillité qu’il recherche.
Voilà, je vous ai donc parlé de La diagonale du vide de Pierre Péju paru aux éditions Gallimard.
Présentation du roman