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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

La chaleur

Un premier roman brûlant

Un premier roman brûlant

Aujourd’hui je vais évoquer La chaleur, le premier roman troublant de Victor Jestin, jeune auteur de vingt cinq ans. Ce bref texte est simultanément le récit d’un drame et  celui de l’éveil d’un adolescent breton à la sexualité. L’action se déroule un été de canicule, à la fin des vacances, dans les Landes au camping où le narrateur de 17 ans, Léonard est avec ses parents, sa sœur et son frère. L’intrigue est condensée en deux nuits et un jour sous une température de plomb.

Il commence par sa narration par ces mots : « Oscar est mort parce que je l’ai regardé mourir, sans bouger. Il est mort étranglé par les cordes d’une balançoire, comme les enfants dans les faits divers. Oscar n’était pas un enfant. On ne meurt pas comme cela sans le faire exprès, à dix-sept ans. On se serre le cou pour éprouver quelque chose. Peut-être cherchait-il une nouvelle façon de jouir. Après tout nous étions tous ici pour jouir. » L’adolescent reste donc passif fasse au geste d’Oscar, il est comme halluciné par la scène. Au lieu d’appeler à l’aide, Léonard assiste à la mort du gamin puis est saisi d’une effroyable culpabilité qui le conduit à des actes désordonnés et absurdes. Une fois sorti de sa stupeur, il saisit le corps sans vie et décide de l’enterrer sous le sable dans les dunes. Il précise : « j’avais fait peu de bêtises en dix-sept ans. Celle-ci a été difficile à comprendre. C’est allé trop vite et trop fort. Je me suis approché. J’ai touché l’épaule d’Oscar, puis je l’ai secoué et frappé. » Dans la nuit noire il creuse avec les mains un trou puis y dissimule le corps sans vie d’Oscar. Il recouvre cette tombe en effaçant au mieux ses propres traces. Il aurait pu le sauver et pourtant il est resté contemplatif face à la scène d’étranglement. Léonard rejoint ensuite sa tente et au petit matin il reprend une vie normale au milieu des estivants. Il est face à un dilemme insurmontable : se dénoncer ou se taire ; parler et révéler où est enfoui le cadavre ou rester discret et répondre à l’appel de la découverte sexuelle.

En effet, ce même jour, Léonard croise Luce, jeune fille du coin qui fréquente le camping. Entre eux, en quelques heures, vont naitre des sentiments et l’esquisse d’une relation. Ils vont se draguer, se désirer, se frôler. Pour le narrateur la question est de savoir s’il pourra perdre sa virginité avec la désirable Luce. Léonard est souvent à l’écart des autres jeunes, il est un peu rebelle vis-à-vis de ses parents ; il a du mal avec son corps et ses sentiments. Sa fragilité est celle de l’adolescence. Sa culpabilité se heurte à la puissance de son désir adolescent. Il partage avec son ami Louis des conversations sur les inquiétudes des garçons de leur âge. Ainsi, faire l’amour pour la première fois est un cap et ne relève pas de l’évidence absolue. La chaleur du roman est à la fois climatique et corporelle. Le texte est profondément ancré dans l’été et son injonction au bonheur. Léonard après avoir couché avec la jeune fille précise : « Luce écoutait le prélude de Lohengrin sur la plage de tous mes calvaires et désormais la plage de mes amours. » La confrontation de ces deux épisodes est violente pour lui, des sensations contradictoires l’assaillent. D’ailleurs il ajoute plus loin : « de retour dans la forêt j’avais toujours cette angoisse au ventre, mais elle était différente, plus supportable. Je souriais. Je me souvenais du visage de Luce. Je me souvenais de son corps si près du mien, et de sa cuisse contre la mienne, qui caressait sans le savoir le téléphone d’Oscar sous la toile de mon maillot. Quelque chose n’allait pas bien. » C’est la fin des vacances, il faut repartir avant de revenir au camping l’année prochaine. L’amour naissant risque d’être évanescent, il sera à Lorient, elle à Bordeaux.

La chaleur est un roman prometteur au style simple. L’histoire est tragique mais elle raconte avec pudeur et précision les affres de l’adolescence, le bousculement des sentiments, l’éruption de l’amour et l’appel de la chair. Cette période est aussi le temps des désillusions, des promesses non tenues. L’auteur décrit avec talent le microcosme du camping qui est une représentation miniature de la société contemporaine.

Voilà, je vous ai donc parlé de La chaleur de Victor Jestin paru aux éditions Flammarion.

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