Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.
27 Avril 2019
Aujourd’hui je vais évoquer Les nouvelles lois de l'amour l’essai de Marie Bergström issu de sa thèse. Le sous-titre Sexualité, couple et rencontres au temps du numérique indique que la sociologue s’intéresse aux nouveaux outils favorisant les rencontres entre hommes et femmes dans l’environnement connecté moderne. Ce livre est : « fondé sur une vaste enquête empirique auprès des concepteurs comme des usagers, (il) revisite ainsi ce que l’on pense savoir des sites et des applications. Pour ce faire, il s’intéresse à la population hétérosexuelle. Plutôt qu’une approche englobante – dont l’effet est toujours d’écraser les expériences minoritaires –, il prend pour objet les usages dans ce groupe majoritaire pour mieux en souligner la spécificité. » Elle confirme plus loin : « le livre se fonde sur une enquête empirique extensive qui, s’intéressant aux nouveaux services de rencontres, s’attache aussi à les inscrire dans les mouvements historiques qui les portent. » Le propos est de démontrer l’influence grandissante des sites de rencontre et des applications qui se sont développés avec l’avènement d’Internet dans la formation des couples hétérosexuels. En introduction Marie Bergström dresse un panorama des modalités et des lieux de rencontres contribuant à l’appariement des couples. Aujourd’hui, les partenaires se sont souvent rencontrés pendant leurs études ou lors de soirées chez des amis. Il y a quelques décennies, le bal populaire et l’environnement proche étaient les principaux pourvoyeurs de rencontres. Mais pour faciliter les rencontres l’intervention d’une tierce personne ou d’un média a une histoire. Ainsi, les agences matrimoniales et le minitel rose français constituent des prémices et les ancêtres des sites et des applications aujourd’hui en vigueur. Comme le précise l’auteur : « avec la banalisation des sites et des applications, les services de rencontres sont pour la première fois sortis de la marginalité pour être utilisés par un public nombreux. » En la matière les changements sont récents et très rapides. L’effet de masse et le nombre d’utilisateurs sont un des marqueurs des évolutions actuelles. Il faut rappeler que : « les premiers sites de rencontres en langue française sont lancés dès la fin des années 1990 à l’instar de Netclub.fr (1997) et Amoureux.com (1998) même si l’accès à Internet est alors très réduit en France. (…). Pour la première fois depuis l’apparition du « courtage matrimonial » au XIXe siècle, les services de rencontres représentent aujourd’hui un secteur florissant. » Le versant économique des sites a un réel impact, la société actuelle légitime le recours à ces types de service au bénéfice de tous et non plus d’une frange marginale de la population.
Un constat historique et sociologique s’impose : « alors que, jusqu’aux années 1950, sexualité, conjugalité et mariage coïncidaient largement, ils ont depuis chacun gagné en autonomie. L’entrée dans la sexualité ne marque plus l’entrée dans la vie de couple et encore moins dans le mariage ou la vie de famille. » La société contemporaine, notamment avec l’entrée massive des femmes sur la marché du travail a modifié la façon dont les personnes se mettent en ménage. Le développement des réseaux sociaux et d’Internet favorisent et expliquent les évolutions sociétales et sociologiques que décrit Marie Bergström. Ainsi, force est de constater qu’ : « Internet est pour les jeunes un lieu de rencontres majeur. » L’analyse des données statistiques, en particulier celles issues du site Meetic, permettent de constater : « la surreprésentation masculine parmi les utilisateurs (qui) tient d’abord à cette surreprésentation des hommes parmi les jeunes célibataires. » L’auteur ajoute que : « le sex-ratio des utilisateurs varie selon l’âge et reflète en partie le sex-ratio des célibataires dans leur ensemble. » Selon son groupe d’appartenance l’utilisation des sites et des applications n’est pas identique. En effet : « le rapport à l’écrit, les usages de la photographie, les pratiques langagières, les sujets de conversation et les codes de la séduction sont autant d’exemples où les attentes et les pratiques divergent entre groupes sociaux. » Malgré ce vecteur de rencontre, réel facilitateur de la mise en contact, les stéréotypes et les attentes sociales perdurent. La sociologue constate que : « femmes et hommes ne sont pas égaux face à la rencontre. Les sites et les applications le révèlent, avec une certaine cruauté. Souvent présentés comme une manière de faire advenir des rencontres qui n’arriveraient pas autrement, ces services ne mettent pourtant pas tout le monde sur un pied d’égalité. (…). Bien qu’autorisées désormais à « expérimenter » et à vivre des histoires éphémères, les femmes n’échappent pas au double standard des sexes en la matière : le fait de multiplier les partenaires, ou simplement de manifester une grande appétence sexuelle, revient pour les femmes – contrairement aux hommes – à engager leur « réputation » et à s’exposer au stigmate de la « pute » et de la « fille facile ». Contrairement à ce que l’on dit parfois, ces normes n’ont pas disparu. » La sexualité n’est pas considérée de la même façon par les hommes et les femmes. Même si les moyens modernes et Internet facilitent la rencontre, la condition de la mise en couple continue à répondre à des règles sociologiques bien établies. Les travaux de François de Singly ou Jean-Claude Kaufmann restent d’actualité. Le bilan de cette enquête indique que les modalités de la rencontre sont de plus en plus étayée sur la technologie et les premiers échanges virtuels mais néanmoins des invariants sociologiques demeurent et dans l’hypothèse de l’établissement de relations suivies des normes restent en vigueur.
L’essai n’évoque que les rencontres hétérosexuelles, il serait intéressant d’avoir des résultats relatifs aux rencontres homosexuelles, parfois plus directement portées sur le sexe plutôt que sur la relation affective et sentimentale. Les résultats présentés montrent la part grandissante des applications dont l’usage se démocratise et qui envahissent et orientent les rencontres.
Voilà, je vous ai donc parlé des Nouvelles lois de l'amour de Marie Bergström paru aux éditions La découverte.