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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Le procès du cochon

Le nouveau roman d'Oscar Coop-Phane

Le nouveau roman d'Oscar Coop-Phane

Aujourd’hui ma chronique est consacrée au nouveau roman, le cinquième, d’Oscar Coop-Phane intitulé Le procès du cochon. Ce jeune auteur talentueux alterne les thèmes de ses romans dont les premiers avaient une composante autobiographique. Cette fois il propose un bref récit inspiré de faits historiques peu connus. L’intrigue n’est pas précisément située dans le temps, la période à laquelle elle se déroule reste floue, même s’il est évident que ce n’est pas contemporain. Mais le procès relaté ne remonte pas non plus au Moyen-Âge. Au-delà de la narration et de l’écriture précise, Oscar Coop-Phane convoque des pratiques avérées et interroge l’apparat et l’action de la justice ainsi que le rapport entre l’homme et l’animal. Le roman rend compte d’une anthropologisation forte au point de traiter un animal coupable d’un crime comme un humain.

Le récit est découpé en quatre parties chronologiques : le crime, le procès, l’attente et le supplice. Voici les premières phrases du roman : « il marche toujours seul et sans y réfléchir. Il s’arrête parfois pour grignoter une racine ou la chair d’un animal crevé là. Ses pieds connaissent bien les chemins de traverse, ces pistes rocailleuses où la poussière recouvre les herbes. On l’a battu, parfois ; on ne l’a jamais aimé. Il n’est pas vieux. Sa peau pourtant s’est durcie, une coque rose que la pluie lave quand il ne peut trouver d’abris. La chance et un instinct obstiné l’ont poussé à ne pas se laisser mourir dans les solitudes de l’hiver, dans le froid des forêts. » Dès le début du récit, la bête est humanisée. Le cochon malaimé s’approche d’un jardin où un nourrisson dort dans un couffin. Il renifle le berceau, mord une joue puis déchiquète l’enfant qui meurt alors que le cochon se régale de la « viande » arrachée. Le cochon est rapidement repéré dans les bois, rassasié, il se repose. Son acte délictueux commis : « la bouche pleine de sang chaud, il retourne vers la forêt. L’enfant ne crie pas – la douleur, sans doute, est trop forte. Certains maux couvrent les pleurs. » Les parents sont meurtris, la chair de leur chair a été dévorée et a succombé. Ce cochon rodant dans les environs est le coupable il doit être jugé pour son crime atroce. L’animal arrêté est emprisonné et mis en quarantaine en attendant son jugement.

Le procès se déroule autour du président, des jurés, des avocats et du présumé coupable, le cochon. En quelques phrases, l’auteur décrit les protagonistes judiciaires et rapporte leurs propos : « le croqueur avait croqué. Lapostrof jouerait son rôle. Il aurait l’air droit, fort et rassurant. Il pourrait compter sur sa silhouette. Le tribunal se chargera d’apaiser les colères. » Après le rappel des faits, le cochon est sommé de présenter sa défense et de répondre à l’accusation. Il lui est ainsi demandé : « avez-vous, le 17 octobre dernier, assassiné sauvagement le jeune Georges Labrusse, en lui dévorant la figure et le corps, alors qu’il se tenait allongé dans son couffin ? » Mais le langage manque au cochon et son défenseur attitré est peu investi dans son rôle. L’impossibilité de garantir une défense objective est démontrée par l’absurde ; la manipulation dont le cochon, incapable de parole, est victime est manifeste. Pourtant, le verdict tombe, l’animal est condamné à mort.

Toute une mise en scène accompagne le chemin vers l’échafaud. Le cochon est conduit par le bourreau qui doit s’assurer de la pleine réussite de la condamnation prévue. Les hommes ont décidé d’une peine forte, une sorte de talion où le coupable doit mourir dans des souffrances proches de celles qu’il a infligées à l’enfant défunt. Afin que l’exécution serve de mesure préventive et que les animaux comprennent les risques qu’ils encourent en croquant ainsi, un ban de cochons est convié à assister au supplice de leur congénère. La description de la mise à mort du cochon, qui n’est jamais nommé mais désigné par le nom générique de son espèce, est insoutenable : « l’animal glisse un peu vers le sol. Le bourreau ajoute alors une corde sous le ventre pour le maintenir. Lentement, avec un canif, il incise les joues. Il trace deux cercles grossiers dans la peau du visage – l’un à gauche, l’autre à droite. Le cochon secoue la tête et ouvre grand la gueule, mais avant qu’il ait pu crier, Jean, avec une tenaille gigantesque qu’il tient des deux mains, arrache la peau des joues dont il avait tracé le contour. » Les dernières pages du roman décrivent une sorte de rituel mettant en scène des aveugles invités à tuer un cochon. Là encore, la barbarie triomphe.

A son habitude Oscar Coop-Phane a écrit un roman bref, sans fioriture. L’anonymat et le mystère sur le lieu précis et l’époque de l’action incitent le lecteur à réfléchir en marge du récit au sens de la justice, à la vertu de l’exemple et à la volonté humaine de contrôler le règne animal et sa potentielle cruauté.

Voilà, je vous ai donc parlé du Procès du cochon d’Oscar Coop-Phane paru aux éditions Grasset.

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