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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

L'invention du bronzage

Court essai historique sur le bronzage

Court essai historique sur le bronzage

Aujourd’hui ma chronique est consacrée au bref essai historique de Pascal Ory intitulé L’invention du bronzage. En cent trente pages, l’auteur construit son objet et démontre la pertinence de s’intéresser à ce thème a priori superficiel. En réalité, cet ouvrage s’inscrit dans le courant de l’histoire sociale et dans la mouvance des travaux de George Vigarello autour du corps et de ses usages.

Force est de constater que le bronzage avec le teint hâlé valorisé et recherché de nos jours est très éloigné du sens jadis associé à l’épiderme mat et à la peau d’ébène. L’empreinte historique se lit dans le rapport au corps et à son exposition au soleil. Cette exposition est d’ailleurs selon les périodes et les connaissances scientifiques corrélée à un bienfait ou au contraire à un danger sanitaire. Grâce à son ouvrage Pascal Ory démontre que le bronzage est un fait social.

Il est important pour l’historien de se baser sur des archives et de pouvoir dater l’émergence du phénomène. Deux moments fondateurs sont en concurrence pour expliquer cette invention : l’influence de la mode avec Chanel et les congés payés issus des combats du Front Populaire. L’auteur précise que : « la date du moment historique où Coco aurait lancé la mode du teint bronzé en rendant soudainement chic ce qui, jusqu’à sa provocation, ne l’était pas varie d’une source à l’autre. 1923 ? 1925 ? 1927 ? (…). A la date de 1936, trop de documents prouvent que la vogue est assez lancée pour ne plus être considérée comme un phénomène non seulement confiné à quelques excentriques mais même limité à une petite élite chic ». Il faut rappeler qu’au début du XXe siècle le grand air et le soleil sont vus comme des dangers ; les bourgeois et les aristocrates se protègent la peau, se couvrent de chapeaux, de gants et d’ombrelles. Le teint cuivré est alors synonyme de travail en extérieur et incarne plutôt le monde agricole et ouvrier. Le bronzage est un marqueur social, il traduit l’opposition entre la campagne et la ville à un moment où les paysans dominent encore numériquement dans la société française. Au fil des décennies les attitudes changent, les valeurs s’inversent avec une transition de la protection à l’exhibition du corps. En 1935, L’Oréal met sur le marché sa première crème solaire et en vante les vertus corporelles. En réalité, c’est Jean Patou qui initie quelques années avant cette industrie et rend accessible des crèmes et lotions pour favoriser le bronzage en évitant les rougeurs des coups de soleil. Il suffit de moins d’une génération pour totalement inverser le lien au soleil d’abord diabolisé puis vénéré pour son action sur le bronzage de la peau. Avec le développement de l’industrie du tourisme et l’attrait pour le soleil et l’exotisme, le bronzage change de signification et devient valorisé, il représente la santé et l’épanouissement du corps. Le discours médical est positif, le soleil est réputé soigner bien des affections, de la cellulite à l’acné. Il faudra attendre quelques années pour que les dermatologues mettent en garde contre les ravages dus à la surexposition au soleil.

Avec cet essai Pascal Ory montre que le bronzage n’est pas aussi futile qu’il y paraît. L’attitude dominante et la mode sont signifiantes du regard que la société porte sur l’exposition du corps aux rayons solaires. Cette activité est récente et concomitante d’un accès au farniente et à la satisfaction des besoins primaires pour une large part de la population. Le bronzage artificiel apparu pour pallier la déficience d’ensoleillement dans certaines contrées est un phénomène sociétal associé à une époque qui paraît désormais révolue. A travers le bronzage il est possible de constater l’évolution de la société et de la médecine vis-à-vis du rôle du soleil. C’est un exemple de révolution culturelle récente.

Voilà, je vous ai donc parlé de L’invention du bronzage de Pascal Ory paru aux éditions Champs Flammarion.

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