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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

L'interprétation sociologique des rêves

Essai original d'un grand sociologue qui cherche à explorer les rêves à l'aune de sa discipline

Essai original d'un grand sociologue qui cherche à explorer les rêves à l'aune de sa discipline

Aujourd’hui ma chronique est consacrée à L’interprétation sociologique des rêves. Ce titre fait évidemment écho à L’interprétation des rêves texte fondamental de Sigmund Freud. L’auteur, Bernard Lahire, est un sociologue engagé dans des approches non dogmatiques. Ses travaux ont porté  notamment sur l’éducation et l’art. Ainsi, Ceci n’est pas un tableau un de ses précédents essais s’intéressait à une toile de Nicolas Poussin dont il analysait l’histoire singulière et le destin atypique. Il a également publié L’homme pluriel et Portraits sociologiques où il défend une approche multi dimensionnelle de l’analyse sociologique. Avec son nouvel opus fort ambitieux il ouvre un nouveau champ de recherche pour sa discipline et invite à interroger les rêves selon une perspective novatrice.

L’interprétation sociologique des rêves constitue le premier tome d’un travail exploratoire en cours. Il s’agit pour Bernard Lahire de montrer en quoi la sociologie peut et devrait s’intéresser aux rêves afin d’en faire émerger le sens caché. Le clin d’œil appuyé du titre fait référence aux apports freudiens sans les rejeter. Ce volume est essentiellement théorique et méthodologique. Les travaux psychanalytiques sur les rêves sont discutés. L’auteur dresse une histoire au long cours du rapport des hommes à ses propres rêves. Cela remonte à l’Antiquité où déjà des clés des songes existaient. Il est un connaisseur attentif de l’œuvre freudienne qu’il choisit d’interroger à l’aune de son projet. Il scrute également les neurosciences et leurs apports réels mais discutables selon l’utilisation qui en est faite. L’apport théorique de Michel Jouvet est questionné ; certes ce spécialiste du sommeil a largement contribué à la connaissance scientifique mais certaines de ses hypothèses se révèlent réductrices, ainsi le rêve, ce « gardien du sommeil » n’est pas exclusivement repérable pendant la phase de sommeil paradoxal, bien caractérisé par les travaux princeps de Jouvet. Bernard Lahire insiste sur le fait que le rêve est un fait social. Il critique l’analyse de contenu systématique qui peut être effectuée sur les rêves en montrant la limite de cette approche qu’il considère trop réductrice. Il précise qu’«  il n’y a dans le rêve aucun « mystère insondable » à dévoiler, aucun « secret » à déchiffrer, ni aucun « code mystérieux » qu’on pourrait prétendre craquer, mais des préoccupations existentielles qui s’expriment sous des formes différentes de celles qu’elles prennent dans des moments socialement variés de la vie éveillée. (…). Dénouer les fils des représentations oniriques est ainsi une manière d’apprendre à mieux connaître nos fonctionnements mentaux socialement, bornés et à donner à chacun la possibilité d’être un peu plus maître de ce qui, en permanence, le travaille sourdement. » Fort de ces éléments il ébauche les contours de sa méthode pour procéder à l’interprétation sociologique qu’il entend développer. Bernard Lahire à la fin de son roboratif et stimulant exposé affirme sa conviction : « la sociologie des rêves, comme science des déterminations sociales qui entrent en jeu dans l’expression onirique, constitue donc une attaque ultime contre les illusions de la liberté et de la volonté du sujet. En travaillant sur le rêve, en montrant que sa fabrication est indissociable des expériences sociales passées comme présentes du rêveur, mon intention est de montrer que le social gît dans les plis les plus intimes des individus, y compris dans les moments de sommeil où il semblent le plus complètement déconnectés des réalités sociales ordinaires. Les logiques sociales continuent à marquer leur présence dans l’activité psychique du rêveur, en l’absence immédiate de toute institution, de tout groupe, de toute interaction ou de toute sollicitation extérieure. »

Cet ouvrage est passionnant même si la lecture nécessite un réel investissement afin de suivre les démonstrations proposées. Il est convainquant et ouvre de nouveaux champs d’études et des perspectives jusqu’à présent peu explorées. Bernard Lahire est pédagogue et esquisse une théorie générale de l’expression onirique. Le lecteur est impatient de découvrir le second tome qui proposera des exemples concrets de la mise en œuvre de cette approche sociologique inédite.

Voilà, je vous ai donc parlé de L’interprétation sociologique des rêves de Bernard Lahire paru aux éditions La Découverte.

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