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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

La baie de la rencontre

Un roman de l'identité sur les traces de la lointaine Australie

Un roman de l'identité sur les traces de la lointaine Australie

Aujourd’hui ma chronique est consacrée à La baie de la Rencontre d’Emmelene Landon. Cette femme d’origine australienne écrit en français, c’est le premier livre de cet auteur que je découvre. Son roman décrit le retour du protagoniste vers ses racines ; il met en scène une quête identitaire. A la lecture, l’impression dominante est celle d’un récit en partie autobiographique. Il y a une sorte de mise en abîme vertigineuse entre l’auteur, le narrateur et Charles-Alexandre Lesueur naturaliste français du dix-neuvième siècle. La composition du roman alterne une narration classique autour de l’intrigue et des brèves digressions appelées interruptions qui constituent de courts fragments entre parenthèse, des flash-back intimes. Les lieux sont aussi importants que les personnages dans cette épopée poétique du retour vers l’Australie. Le narrateur, George, indique : « j’ai quitté l’Australie avec mes parents et ma petite sœur à l’âge de six ans, parce que de ce pays immense et prospère où tout le monde rêve de s’installer émanait quelque chose de trop étriqué, un mode de vie calqué sur un modèle britannique, plaqué sur la vastitude d’un continent aussi différent de l’Europe qu’une autre planète. A cette époque, au début des années soixante-dix, la société australienne n’avait rien de cosmopolite et d’excitant. » En quelques phrases, le cliché de l’Australie comme eldorado accueillant où il est facile de s’installer et de réussir est catapulté. Une image plus contrastée, et probablement plus réaliste, est au contraire proposée. Le périple du narrateur ira au-delà du continent, jusqu’en Tasmanie. Voici quelques indications géographiques précises sur ce coin reculé pour le situer : « tout en bas de l’Australie, à droite : l’île de l’île, entourée d’autres îles, des îles d’exclusion, d’éloignement, de quarantaine, d’exploitation, de nature préservée, d’enfermement, comme le sont souvent les îles. Un peu plus petite que l’Islande, la Tasmanie se présente à la fois comme le ballon de foot et la petite sœur de la grosse masse plate, l’Australie. Une petite sœur tout aussi ancienne, âpre et complexe dans sa géologie. » Ces phrases rugueuses disent l’isolement et le lien entre ces deux terres australes.

Retourner en Australie devient une obsession vitale pour George. Il envisage cette redécouverte seul, afin de comprendre d’où il vient et peut-être qui il est. Bien qu’il partage sa vie avec Rachel, elle ne fait pas partie de l’expédition, ni lors de l’élaboration du projet ni pendant sa concrétisation. A peine quelques appels téléphoniques leur permettront de garder le contact. Son amour l’aide à accepter cette mise à l’écart temporaire nécessaire à George pour qu’il retrouve l’inspiration et poursuive son œuvre créatrice de sculpteur. Il le reconnaît lui-même : « j’y pense constamment, mes dérives mentales me mènent toutes là-bas, mes tentatives de sculptures, mes lectures, mes recherches, mais l’idée d’y aller ensemble, maintenant ne m’avait pas effleuré. » En route vers sa terre natale il affirme : « je m’approche d’un pays où je suis né, où a vécu ma famille pendant de nombreuses générations, et que je ne comprends pas. » La présence de Charles-Alexandre Lesueur, qui le fascine, est pour George apaisante et sert de guide bienveillant. Ses écrits sont dans ses bagages, ce scientifique apporte un autre regard sur l’Australie, cette terre peuplée depuis des millénaires d’aborigènes. Ces derniers ont été victimes des exactions des colons et aujourd’hui encore sont méprisés par l’immense majorité de la société australienne. Ceci n’est pas sans interroger et interpeller George.

Le roman est à la fois celui d’une redécouverte et celui d’un deuil. En effet, Peggy, la petite sœur adorée de George meurt. Comment à des milliers de kilomètres penser à elle, poursuivre cette quête identitaire indispensable ? Ce roman de la filiation est touchant, c’est un voyage initiatique qui permet au protagoniste de retrouver ses racines. Aux antipodes, une île-continent apparaît en filigrane plus violente et difficile à appréhender que l’idée que les européens peuvent s’en faire. L’âpreté et la dureté de certains rapports sont au cœur de cette initiation régénératrice.

Voilà, je vous ai donc parlé de La baie de la Rencontre d’Emmelene Landon paru aux éditions Gallimard.

Pays continent au centre du roman

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