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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Aux Cinq Rues, Lima.

Roman de Mario Vargas Llosa

Roman de Mario Vargas Llosa

Aujourd’hui ma chronique est consacrée au dernier roman de Mario Vargas Llosa,  Aux Cinq Rues, Lima. Cet auteur péruvien, prix Nobel de littérature, a notamment écrit La fête au bouc, La ville et les chiens, La tante Julia et le scribouillard. Il a été candidat à l’élection présidentielle il y a plus de vingt ans face à Alberto Fujimori qui est un des personnages principaux de cet ouvrage. Comme le titre l’indique il se situe dans la capitale péruvienne. L’auteur focalise l’attention sur des personnages appartenant à la frange aisée de la société.

C’est un roman à tendance policière avec des meurtres et des enquêtes tronquées pour cause de consignes. De vraies questions autour de la presse et de la profession de journaliste sont posées. D’une part le journalisme de connivence et d’obéissance aux politiques, de l’autre le journalisme d’enquête sérieux et donc dangereux. C’est une chronique contemporaine du Pérou des années 1990 lorsque le président s’appelait Fujimori. Le sentier lumineux faisait la une de l’actualité et les habitants vivaient dans un pays dictatorial gangréné par la corruption. Certes Fujimori, d’origine japonaise et fervent défenseur du libéralisme économique, a rétabli la sécurité pour la population et terrassé le mouvement terroriste national. Mais cela fut au prix d’une atteinte aux libertés individuelles. Voici un court extrait qui décrit le rôle d’un personnage influent : « le Docteur devint le bras droit de Fujimori et, en tant que chef du Service du renseignement, l’auteur présumé des pires exactions, trafics, vols et crimes politiques perpétrés au Pérou depuis presque dix ans. On disait que la fortune que Fujimori et lui détenaient à l’étranger était vertigineuse. »

Ce roman est le portrait d’un pays atteint par la violence extrême et de son principal dirigeant autocrate. Les protagonistes de fiction croisent donc des personnages réels. Vargas Llosa dénonce les exactions menées par les équipes du président et leur mainmise sur l’information. Il utilise le prisme de la presse à scandale, des titres de caniveau qui à partir de quelques allégations mensongères peuvent provoquer la ruine et détruire une réputation. Comme il est précisé : « les scandales paraissent terribles lorsqu’ils se produisent. Mais ils passent vite et bientôt plus personne ne s’en souvient. » Cependant, ce qui arrive à Quique, un riche ingénieur victime d’une dénonciation dans la presse est l’archétype de ces scandales. Des photos compromettantes le montrant participant à de sexuelles bacchanales sont publiées dans un torchon indigne. Après la parution de l’article, le directeur du journal est assassiné et retrouvé mort dans une rue de Lima. Qui est responsable de ce crime ? Les journalistes, enfin est-ce le terme approprié, sont manipulés et servent de faire valoir aux services secrets. Mais la trépidante Riquiqui, secrètement amoureuse de son patron sauvagement assassiné relance le titre populaire et obéit, dans un premier temps aux injonctions du Docteur. Il lui dit : « Je te dirai sur qui il faut enquêter, qui il faut défendre et, surtout, qui il faut mettre dans la merde. Je te demande pardon encore une fois pour la grossièreté. Mais je la répète parce que ce sera la partie la plus importante de tes obligations envers moi : mettre dans la merde ceux qui mettent le Pérou dans la merde. Les mettre dans la merde comme savait si bien faire Rolando Garro. (…). Le dégueulis, la diarrhée du gouvernement, son dépotoir. Nous lui servons à remplir de saleté la bouche de ses détracteurs et, surtout, celle des ennemis du Docteur. » Le lecteur découvrira à la fin du roman si elle se conforme à ce qui est exigé d’elle.

Dans le milieu huppé liménien, loin des troubles de la ville, le stupre et la volupté s’expriment. L’auteur use d’un style cru et explicite. Les scènes de sexe sont décrites sans pudeur. En voici un exemple lors du rapprochement sensuel de deux femmes : « Elles s’embrassèrent à pleine bouche, mêlant leurs langues, buvant leur salive et frottant leurs jambes, mais elles étaient toutes deux trop exténuées pour faire encore l’amour. Et les voilà bavardant, toujours enlacées, la tête de Marisa posée sur l’épaule de Chabela qui entortillait ses doigts, comme par jeu, dans les rares poils du pubis de son amie. » Il est intéressant de constater que les privilégiés sont peu affectés par la dureté de la situation. « N’étaient le terrorisme et les enlèvements, il était évident qu’on vivait très bien à Lima. Marisa et elle continuaient à se voir naguère, mais maintenant elles partageaient en plus ce petit secret : elles jouissaient ensemble. »

Ce roman n’a pas l’exubérance et le baroque de certains textes sud américains. Cependant, sans animosité, se tourne sur le passé de son pays auquel il a lui-même largement contribué. Derrière la fiction la réalité de la présidence Fujimori est mise en scène et dénoncée avec talent.

Voilà, je vous ai donc parlé d’Aux Cinq Rues, Lima de Mario Vargas Llosa paru aux éditions Gallimard.

Capitale du Pérou, lieu de déroulement du roman

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