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Culture tout azimut

Ce blog Culture tout azimut vous propose des articles sur des livres récemment lus. Les lecteurs sont invités à partager leurs points de vue.

Ma vie au poste

Un essai décapant sur la télévision

Un essai décapant sur la télévision

Aujourd’hui ma chronique est consacrée à un essai intitulé Ma vie au poste ; il est écrit par un journaliste de Télérama. Bien entendu ce titre fait allusion au poste de télévision comme le montre la couverture mais on peut aussi entendre le poste de police et ce double sens pose d’emblée l’humour, le second degré et la dérision comme moteurs de cette réflexion sur ce que la télévision donne à regarder au public. Le poste de télévision est à la fois déifié et diabolisé, encensé et stigmatisé. Avant de lire ce revigorant bouquin je ne connaissais pas Samuel Gontier ni son blog. Depuis bientôt une décennie il est en charge de suivre au quotidien pour son magazine ce qui se passe sur le petit écran et d’en faire des compte-rendu circonstanciés. Le livre ne consiste pas en la compilation d’articles déjà parus. Il s’agit pour l’auteur de prendre un temps supplémentaire que n’offre pas la fréquence de ses chroniques. Il rassemble ses contributions par grandes thématiques afin de proposer ainsi un regard acéré et réfléchi sur ce qui est disponible chaque jour à la télévision. Le sous-titre Huit ans d’enquête (immobile) sur la télé du quotidien est explicite.

Je l’avoue, n’ayant plus la télévision depuis quelques années, je suis un peu déconnecté de son actualité. Mais en réalité pas totalement car, comme on va le voir, le renouvellement tarde parfois à se manifester. Et ceci, en dépit de l’arrivée du câble et de la multiplication de l’offre. Il faut garder en tête que, malgré la fin de sa suprématie absolue dans le PAF, TF1 reste la chaine la plus regardée, celle des records d’audience, une référence pour les publicitaires et les financiers.

En 250 pages le tableau brossé n’est guère réjouissant. Samuel Gontier s’attache aux détails, il se révèle expert en décryptage des mille et un défauts du poste : langue de bois, incohérences, conflits d’intérêt, marronniers, entre soi, pour ce citer que ceux-là. TF1, M6, NRJ12, Canal +, W9, France 2, D8, France 3, BFM TV : ce sont autant de chaines qu’il s’oblige à regarder en quasi permanence. Ce qui est intéressant c’est de constater combien au fil des ans les émissions se répètent et se plagient. La télévision est un monde qui se veut novateur mais qui se révèle surtout accroché à la tradition, aux recettes éprouvées ; le déjà-vu domine la nouveauté et ceci tant du point de vue du contenu que de celui des présentateurs. Le phénomène est amplifié sur les chaines historiques. Partout, les journaux télévisés privilégient les marronniers à l’intérêt discutable, au détriment de l’actualité moins consensuelle. Sans conteste, la météo est un excellent exemple de cette part prépondérante prise par un sujet que l’on peut considérer comme mineur.

La télévision contribue-t-elle à faire l’opinion ? La lecture de cet essai invite à s’interroger. Au moins pour les spectateurs, passifs et réceptifs à ce qui leur est offert, son influence est attestée. La télévision c’est le règne de l’émotion, du superficiel, de l’anecdotique. Ce n’est pas le lieu où l’on incite à réfléchir, à penser le monde. Les idéologies dominantes sont véhiculées par ces médias. Il faut constater que les experts dont la télévision est friande sont une caste réduite et qu’ils tournent en vase clos. Ce sont toujours les mêmes qui s’expriment et occupent l’antenne. L’immarcescible Jean-Pierre Pernaut aux commandes du journal de 13 heures, pour sa part s’intéresse davantage au temps qu’il fait, aux artisans ruraux et à la violence urbaine qu’aux vrais soucis du monde. Les faits divers ont acquis une place de premier choix dans les journaux et les programmes. Quant aux chaines d’information en continue avec leurs envoyés spéciaux et leurs éditions éponymes elles meublent l’antenne avec du rien, du vide, de l’inconsistant.

Samuel Gontier évoque aussi la télé réalité qui est à présent inscrite dans notre quotidien mais qui souvent frôle le degré zéro de l’intelligence. Un des sous-thèmes de cette catégorie est la nourriture avec la multitude d’émissions consacrées à des compétitions et des recettes inoubliables. Quant à la diffusion des grands événements sportifs un constat s’impose : les commentateurs et journalistes font feu d’un chauvinisme exacerbé, se prenant pour les athlètes eux-mêmes et ne mettant pas la distance attendue face à la narration de la compétition. Cette mise en avant du caractère national se retrouve également dans le traitement politique. Sur les chiffres la télévision est très forte pour les manipuler, leur faire dire n’importe quoi. L’exemple des sondages ou pire des micro trottoirs est absolument emblématique.

Ce bouquin m’a séduit, au-delà de l’humour et du ton décalé, parce que je partage la plupart des analyses proposées. Ceux qui comme moi apprécieront ne sont probablement pas des fans des programmes ici décortiqués et des journalistes vilipendés. La télévision reste un formidable vecteur, un outil de connaissance et de pédagogie s’il est bien utilisé. Autrement, cela peut être une caisse de résonnance pour la démagogie et l’aliénation des populations.

Voilà, je vous ai donc parlé de Ma vie au poste de Samuel Gontier paru aux éditions La découverte.

Générique d'une excellente émission télévisée : Bouillon de culture de Bernard Pivot

Rachmaninov au générique de cette mythique émission littéraire

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